L'Esquive c'est du Kechiche comme on l'aime, du cinéma brut qui, dès la première seconde, le premier plan, nous emmène au cœur des personnages, au milieu d'une conversation. Le prodige de ce cinéma c'est que pas une seule seconde nous quitterons ces personnages. Pas un effet de style, pas une musique créera cette distance qui dit "on est dans un film". L'Esquive c'est du cinéma vrai avec des acteurs amateurs flamboyants de naturel. Un vrai faux documentaire pendant deux heures. Le cinéma de Kechiche ne se regarde pas, il se vit, phrase bien clichée qui mérite pourtant sa place ici.
L'Esquive c'est le film des faux-semblants. Comme dans la pièce de Marivaux, au cœur du film, les personnages se font passer pour ce qu'il ne sont pas. Leur français abominable fait de "mon frère" à chaque phrase est si peu crédible qu'on sent qu'il est poussé pour se donner un genre, Lydia ne quitte plus sa robe de bourgeoise tandis que Krimo se fait passer pour un amateur de théâtre pour séduire ladite Lydia. Ce jeu des apparences peut sembler inoffensif puisque "adolescent". Sauf lorsque les forces de l'ordre arrive, là ça pose problème. Basanés au milieu de la cité, ces jeunes ont forcement tort, si bien que la femme ne peut imaginer un instant qu'ils répètent une pièce quand elle trouve un Marivaux dans une de leur poche, allant jusqu’à ouvrir le livre voir si un peu de drogue s'y cacherait ! Cette scène montrant des flics violents reste néanmoins caricatural, mais ça reste un parti pris de Kechiche pour nous montrer son propos. C'est un peu maladroit, mais ça fonctionne.
Un très grand film à vivre sans hésiter !