Singulier

Difficile d'avoir un avis tranché sur un film ambigu tiré d'un roman qui ne l'est pas moins. D'un côté, l'ambiance pesante de cette Algérie dirigée par les colons français est très bien rendue dans une mise en scène sobre et néanmoins précise, aidée par un noir et blanc qui renvoie aux films d'avant guère comme Pepe le Moko. Le personnage de Meursault est magnifiquement interprété par Benjamin Voisin, enfermé dans un quasi autisme dérangeant : fonctionnaire terne et secret, il ne sait rien, n'éprouve rien, n'ambitionne rien, ne prend pas partie, est prêt à répondre oui aux sollicitations, mariage ou meurtre, sur l'air de "si ça peut vous faire plaisir". Et c'est là que le récit pose problème : comment s'intéresser véritablement à cet être d'une froideur repoussante qui semble être mené par sa vie et non l'inverse ? Les premières scènes relatives à l'enterrement de sa mère sont explicites dans leur silence oppressant. On retiendra la belle prestation de Rebecca Marder, bien plus convaincante ici que dans le film de Sandrine Kiberlain Une jeune fille qui va bien et de Pierre Lottin en salaud raciste de premier ordre. Au final, cette adaptation de François Ozon n'est ni excellente ni mauvaise, elle est singulière. C'est peut-être pour cela qu'il faut voir ce film.