Un soleil de plomb
C'est un truisme que d'affirmer qu'adapter Camus est plus difficile que de puiser dans Simenon, au hasard. C'est qu'il n'est pas question de trahir l'esprit de l'auteur de L'Étranger, tout en...
le 17 oct. 2025
26 j'aime
4
Meursault est incarcéré, accusé de meurtre. Dans sa cellule, il attend son procès.
Dès les premières images, François Ozon annonce la couleur : actualités d’époque glorifiant l’influence française sur une pauvre Algérie, puis le titre en abjad, avant que L’Étranger ne vienne s’y superposer. Enfin, les premiers mots de Meursault : « J’ai tué un Arabe », remplaçant le célèbre incipit « Aujourd’hui, maman est morte », relégué à une conversation plus tardive.
Cette relecture du roman de Camus s’inscrit résolument dans une perspective postcoloniale. Ozon se doit de donner un nom et un prénom à la victime, ainsi qu’à sa sœur, qui s’opposent comme ils le peuvent à l’occupant. Les femmes gagnent aussi en présence : Marie, fiancée du faux héros, apporte un supplément d’âme à ce récit aride.
Mais la caméra n’a d’œil que pour Meursault. Malgré l’indifférence, Benjamin Voisin fait la différence. Son personnage, étranger au monde et à lui-même, ne sait ni ressentir ni réagir : un cercueil fermé, un vieillard qui chute, un chien battu, une maîtresse violentée, rien ne l’émeut. À une demande en mariage, il répond par un « Ca m’est égal » dénué de tout romantisme. Cette insensibilité dérange, agace. S’il est condamné, ce n’est pas pour avoir tué un indigène, mais pour ne pas avoir pleuré sa mère. C’est là que l’adaptation prend toute sa valeur : dans une mise en scène sobre et mutique, débarrassée d’une voix off qui aurait alourdi l’ensemble. Jusqu’à ce qu’un procès plus conventionnel et une incarcération bien trop longue viennent affaiblir ces débuts marquants.
Mais Ozon désire plus qu’un bloc glacé de sueur. Dans un noir et blanc somptueux, il magnifie le corps et le regard de Voisin, qu’il révélait dans Été 85. En plein soleil, l’acteur devient un jeune Delon, irradiant de sensualité. Lorsqu’il tire sur Moussa Hamdani, c’est après avoir scruté sa bouche, ses aisselles, et ce couteau brandi à hauteur d’entrejambe. L’homoérotisme affleure, jusque dans la cellule face à un prêtre qui lui demande s’il peut l’embrasser. L’argument peine à convaincre, mais, grâce à Dieu, Ozon l’infidèle ose encore et toujours.
(6.5/10)
@cinefilik.bsky.social
Créée
il y a 7 jours
Critique lue 1 fois
C'est un truisme que d'affirmer qu'adapter Camus est plus difficile que de puiser dans Simenon, au hasard. C'est qu'il n'est pas question de trahir l'esprit de l'auteur de L'Étranger, tout en...
le 17 oct. 2025
26 j'aime
4
La mer s’ouvre comme un silence ancien, et sur ce silence s’installe un regard qui n’explique rien mais qui sait tout. La lumière se fend, lente et tranchante, creuse la peau des visages et laisse...
Par
le 29 oct. 2025
25 j'aime
1
Il est de chaque plan, tout gravite autour de lui, et pourtant à l'inverse du soleil, c'est un centre vide. Comme un trou noir qui absorbe la lumière, insondable et mystérieux, il semble être hors du...
Par
le 20 oct. 2025
22 j'aime
10
Mathieu vient tout juste de retrouver Anna, son ex-femme, et Sarah, leur enfant-bulle, quand un tremblement de terre secoue Paris. Une brume menaçante envahit la capitale. Comment survivre ? Colère...
Par
le 7 avr. 2018
10 j'aime
6
Désirant marquer l’histoire à la hauteur de ses moyens, un millionnaire décide de financer un film. Il engage Lola Cuevas, cinéaste en vogue, qui réunit pour la première fois sur un plateau Felix...
Par
le 23 mai 2022
9 j'aime
La vie pour Antoine, le célibataire, c’est du champagne à gogo, des bombances jusqu’au matin et un défilé de filles en chambre. Mais quand son colocataire le quitte pour New York, laissant sa place à...
Par
le 23 mars 2018
9 j'aime
2