La reproduction des élites. Le dernier des Géants. Succession.

Juste quelques remarques car tout a été dit:

  • Je le trouve désormais passionnant: quand j'étais jeune, il était mon film avec Belmondo que j'aimais le moins, j'ai d'ailleurs failli ne pas le revoir hier soir sur Paris Première. J'ai cette fois aimé son histoire et son montage (notamment les flashbacks quand ils commencent par plan furtif dans le présent; à la Soderbergh, il me semble...puis j'ai été ému par tous les plans sur l'usine en France, lors de la visite par l'assez démago nouveau manager et ses techniques alors américaines de fiches sur chaque employé; ces images sauvées par Labro d'usine en France sont des documents pour l'histoire; ils illustrent et rappellent désormais la désindustrialisation de la France? Ces plans d'acier fondu puis ceux des machines d'imprimeries me rappellent le début de Deer Hunter de Cimino puis les plans de Fincher dans Zodiac sur les détails de la production d'un journal.
  • le personnage aux nerfs d'acier et assez ...sulfureux parfois et l'histoire ne sont pas gnangnan; je me suis même demandé cette fois s'il serait sans doute pas un chouïa bisexuel? (lors de la scène de partage de baignoire avec son bras droit "célibataire"? qui parait bien habituelle etc. )
  • l'honnêteté de la représentation macho est commentée par les dialogues on ne peut plus clairs de la journaliste qui lui dit ses 4 vérités; au contraire d'un film de Chazelle, ce film n'a pas besoin de recevoir de leçons de morale, puisqu'il contient le contre point, la critique du comportement; je vois enfin aussi que Jean Rochefort dans son lit d'hôpital lit d'ailleurs un gros livre de Françoise Giroud (donc l'actrice rousse à lunette, excellente Carla Gravina(82ans en 2023), est sans doute un double natacha Polony-esque de François Giroud...et l'héritier est lui un mélange de Largo Winch, Kennedy, Servan-Schreiber(JEAN JACQUES) etc? . Labro n'allait pas faire d'un manager des années 60/70s un Philippe Noiret super poète et romantique et un mollusque sexuel? ...pas avec les histoires que l'on sait vraies...pas encore finies...voir l'affaire Epstein etc.
  • ...et puis il n'est pas si fort et costaud ce fils-à-papa qui a vécu dans du coton comme ceux dans Succession: j'étais agacé que Belmondo regarde au moins trois fois, TROIS!!, sa petite main blessée...mais mon agacement est en dessous de celui du personnage: ce n'est pas Belmondo qui regarde sa petite blessure (c'est un boxeur et il a connu pire), c'est son personnage de playboy surprotégé, qui a tout, tout de suite, mais certainement pas une blessure infligée par un voyou à distance. Commes les héritiers soupe-au-lait dans la série à succès sur aussi les Héritiers: Succession(qui commence par 'quasi' la mort du patriarche et ses conséquences sur le groupe et les attaques).
  • Donc le film de Labro n'est pas si désuet puisque sujet d'une énorme série de nos jours: la mort en avion du père m'a aussi rappelé les vraies morts en avion de vrais PDG et managers (comme par exemple le récent accident du patron de Total ou tous leurs petits avions privés qui s'écrasent souvent).
  • La mort de l'héritier est emblématique de la très connue passion de Philippe Labro pour Kennedy et l'Amérique: il est tué façon Lee Harvey Oswald (tenu de chaque côté, tiré dans le ventre, comme le montrent les photos de l'époque);

    les ralentis répétitifs me rappellent d'ailleurs ceux que feront Oliver Stone.

  • lire d'ailleurs aussi les mémoires de Labro sur sa vie en Amérique: L'étudiant étranger
  • un com de GnM me la rappelle: j'ai cette fois remarqué et aimé sa bande originale: "bande-son Pink Floydienne de Michel Colombier (le même , qui signera L'Alpagueur ) et à la Batterie, un certain ... Jean Schultheis".
  • ...il me rappelle que j'avais commencé une liste sur ce Michel Colombier que je ne connaissais pas alors que j'aimais ses bandes sons (je tombais alors sur son nom ou celui François de Roubaix)
  • GnM (décidément) me rappelle aussi le "petit jeu entre (mon) Denner et Rochefort" qui m'avait en effet tant fait jubiler hier soir: vizirs concurrents au début, puis Rochefort les sort de l'arnaque et piège à la mallette aux douanes, puis manque de mourir...et ce duo va alors apprendre à travailler ensemble, se vanner et on sent en second-plan, un duo respectueux et amicale (comme souvent au travail).
  • une de mes scènes et montage préférées se passe dans le présent ( l'héritier entouré) est coupée par un soudain plan sur un visage émacié, d'un homme qui semble très vieux, joues creuses, le plan se répète,puis on le devine assis sur un banc...on est dans le passé et l'héritier, alors enfant , accompagne son père auprès du vieux dont on voyait sa scène annoncée par des plans furtifs...comme si un souvenir revenait dans le présent au personnage(bonne idée de montage; ce n'est pas juste un flashback)...le vieux est compagnon de combat du grand-père de l'héritier et remet à son fils un objet que le mourant a donné ...c'est une rouage à billes de son invention qui fera la fortune de la famille, mais ça importe peu...cette scène n'est pas plus bête que les scènes d'objets chez d'autres réalisateurs plus reconnus, dont notamment la scène de montre chez Quentin Tarantino que Walken remet au fils dans Pulp Fiction.
  • en plus d'un livre de François Giroud tenu par Jean Rochefort sur son lit d'hôpital, on voit clairement sur les étagères du journaliste enquêteur, un livre justement titré: Les derniers des géants d'un C.L Sulsberger (ce qui correspond au personnage et à sa famille, avant qu'ils soient ciblés aussi par la financiarisation...et les hedge-funds...le titre de ce livre m'a alors rappelé la phrase de Lancaster dans Le Guépard qui m'était alors passée au dessus de la tête: "Nous fûmes les Guépards, les Lions ; ceux qui nous remplaceront seront les chacals et des hyènes.")
  • en plus léger, j'aime qu'à la fin, on ne saura jamais le mystère et secret de la pierre ("maya") sous le lit dont l'Héritier et son vizir se disputent tant la possession.
  • PierreAmo
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    le 10 févr. 2023

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    PierreAmo

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