J’ai beaucoup apprécié L’Histoire de Souleymane, au point de lui mettre un bon 8/10, mais je dois dire que je n’ai pas toujours réussi à être en empathie avec son personnage, contrairement à la majorité des critiques que j’ai pu lire.
Le film m’a accroché dès le début grâce à sa caméra collée au plus près du protagoniste, qui apporte immersion et réalisme. On ressent l’urgence, la précarité, la fatigue permanente des livreurs à vélo dans Paris et cette tension ne faiblit pas jusqu’à l’entretien pour la demande d'asile. Tout sonne juste, rien n’est surjoué et on plonge sans peine dans cette vie d’angoisse et de survie.
Pourtant, malgré cette immersion, j’ai eu du mal à m’attacher pleinement à Souleymane. Je l’ai souvent trouvé antipathique : il grille sans cesse les feux rouges (jusqu’à provoquer un accident) et dans plusieurs situations il rejette la faute sur les autres sans remise en question.
Par exemple, quand le compte Uber se bloque il se dit victime d’une injustice alors qu’il n’est pas absurde pour une cliente de refuser une commande tombée à terre et en mauvais état.
Même chose lorsqu’il s’énerve contre un restaurateur, on voit bien que le restaurant est bondé : le film présente le restaurateur comme le mechant mais on voit bien que sa pizzeria est pleine et son retard paraît plutôt compréhensible.
Les vraies injustices sont plutôt dans la plateforme qui ferme des comptes sans aucun côté humain, ou dans ces loueurs de compte Uber qui demande 120 € par semaine
Souleymane n’est pas non plus exempt de contradictions : il attend que d’autres partagent des informations utiles pour son entretien mais refuse d’en donner quand on le sollicite.
Il ne se met pas vraiment à la place des autres, ce qui renforce son côté fermé, parfois égoïste.
C’est d’ailleurs ce qui rend le film intéressant : le scénariste n’a sûrement pas voulu peindre un héros parfait mais un jeune homme imparfait centré sur sa survie, qui n'a pas le temps de prendre du recul et de faire son autocritique.
Cela le rend crédible, mais pas forcément attachant.
Pour ma part ce n’est qu’à la fin, lorsqu’il révèle la véritable raison de son départ de Guinée, que j’ai vraiment ressenti de l’empathie pour lui. Ce basculement m’a touché et a donné une profondeur nouvelle au personnage.
Au final l’Histoire de Souleymane est un film fort qui rend visibles des réalités sociales peu représentées, avec une mise en scène sobre et un acteur principal d’une grande sincérité. Mais c’est aussi une œuvre ambivalente : on y trouve un personnage imparfait et contradictoire et c’est dans cette imperfection que réside tout l’intérêt du film.
Bref, à voir.