Le drame autour de ce scandale historique nous est racontée du point de vue de la mère adoptive. Ce n'est pas rien, le choix est osé car il n'est pas évident.
Dans cette histoire d'enfants volées à des parents dissidents du régime militaire, on aurait pu s'attendre à prendre le pas des premières victimes : les mères et grand-mères dont on a confisqué les enfants.
Pour avoir entendu des vrais témoins et victimes de ce drame, le comportement des parents adoptifs est loin de ressembler à celui de l'héroïne : ils savent (ce) qu'ils ont volé, ils n'éprouvent pas de remords. Car c'est toute leur abjection qu'il leur faudrait reconnaitre : impossible sans se détruire.
Le réalisateur a décidé de traiter plutôt le déni, l'aveuglement, la culpabilité d'une femme qui aurait, malgré elle, profité de la situation. C'est ce qui permet de donner une dimension plus symbolique, plus ample au personnage, jusqu'à l'image d'une nation, d'une population toute entière prise en otage par un pouvoir masculin autoritaire et peu scrupuleux, incarné par le mari.
C'est une histoire de femmes et la longue séquence du début, particulièrement réussie, entre l'héroïne et sa vieille amie traduit ce cheminement vers la conscience lorsque la parole est libérée, lorsque les victimes sont de retour. Le montage parallèle de cette scène avec le mari se couchant, un verre de whisky sur la table de nuit, ou l'enfant Gaby dormant tranquillement à côté de sa poupée, accentue la force d'une confession déterminante, venant du tréfonds des âmes sœurs , que tous ne veulent pas entendre et qui pèse sans le savoir sur l'innocence des autres. Plus tard, dans un vrai confessionnal, le curé n'y dispensera qu'une fin de non-recevoir.
Le sujet, à travers le regard de cette seule femme, est donc bien le travail collectif d'une réécriture plus officielle (sans office, ni officier) de l'histoire.
Partant du point de vue individuel, il ouvre au collectif. D'un fait précis historique, il permet l'universel.
Beau travail d'écriture et de mise en scène.