Maquillages variés et cordes vocales malmenées

Le genre académique par excellence du cinéma contemporain, le biopic, trouvait donc quelques étonnantes émanations, dans les mêmes termes, dans les années 50. Sans doute pas le premier, sans doute pas une exception, mais je serais curieux de voir un recensement de ce genre dans la première moitié du XXe siècle. En tout état de cause, il y a quelque chose d'étonnant dans le fait de voir James Cagney, star des années 50, interpréter Lon Chaney, star de son époque, c'est-à-dire 30 ans plus tôt.


Sous de nombreux aspects, la dimension de biopic est désagréable ici quand elle épouse les courbes du mélodrame (le genre par excellence de l'époque de la sortie du film, on finit par s'y perdre), avec notamment le jeu affreusement outrancier de Dorothy Malone lors de la rencontre avec les parents de Chaney — qu'elle découvre sourds et muets, chose abominable à l'époque visiblement, surtout étant donné qu'elle pense à l'enfant dans son ventre qui pourrait souffrir de la même condition. Même chose pour le final larmoyant, avec passation de mallette de maquillage du père à son fil.


En revanche il y a au moins deux aspects plutôt agréables au milieu de cet académisme.
D'abord, la reconstitution des plateaux de tournage hollywoodiens de l'époque, pour certains d'entre eux (un choix drastique semble avoir été opéré) : notamment "Notre Dame de Paris" (Wallace Worsley, 1923), "Le fantôme de l'Opéra" (Rupert Julian, 1926), ou encore "The Miracle Man" (George Loane Tucker, 1919). C'est très Actors studio avant l'heure — ah ben non, fondée en 1947 — mais il y a un petit côté désuet attachant.
Ensuite, il y a l'accent mis sur le caractère tourmenté de la vie de Chaney, dissimulée en partie sous les innombrables maquillages et transformations. Le film joue pas mal avec cette notion de parole et de silence, sur fond de transition du cinéma muet au parlant : sujet de choix, puisque la femme de Chaney se détruira les cordes vocales en avalant de l'acide et lui mourra d'un cancer de la gorge après avoir tourné son premier film parlant — remake du "Club des trois".

Morrinson
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le 13 mai 2021

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