Pour commencer, ce film ressemble bien plus à un conte fantastique qu’un pur western traditionnel. D’un point de vue formel, on est dans la suite logique des western italiens ou ceux de Sam Peckinpah par exemple, c’est un univers immoral, sale, corrompu, ironique.
Eastwood reprend également le goût du symbolisme et de l’allégorie de Leone, ici on a le droit à une vision d’un revenant de l’enfer qui se venger de meurtrier mais également… du village. Dès l’intro on nous présente le “drifter” (High plains drifter, le titre VO) dans un fondu enchaîné laissant transparaître les vapeurs du désert.
Son héros, hérite également de l’homme sans nom, mais j’y reviendrai à la fin, est totalement iconisé par la caméra, presque toujours filmé en contre plongé pour le faire paraître grand et fort, son chara design avec son long manteau noir poussiéreux fait le contraste avec tout les autres personnages (et plus tard dans le film, avec le décor rouge), et également comme la majorité des héros de western, un dieu du revolver.
Mais surtout ce qui est intéressant, c’est son aura divinement diabolique. Il est comme un revenant, prêt à hanter les vivants, mais ça l’empêche pas d’être tolérant, on le voit aider les faibles et les rejetés (le nain ou encore les indiens au début). Son mutisme et sa perversité colle parfaitement à cette description. Pour moi son immoralité est justifiée par cette vision mystique du personnage (par rapport au viol, t'as littéralement l'impression que la victime finit par être possédé). J’ajoute que ses répliques sont toutes savoureuses (on repense forcément à son personnage de la trilogie du dollars), tout cela en fait un protagoniste très charismatique.
La population du village, elle, est confrontée à sa propre nullité, lâcheté, on sait pourquoi le drifter se paye ses têtes, tout le long du film ils seront confronté à cela, et le flashback cloue le spectacle en démontrant leur culpabilité dans cette affaire, plus ou moins pitoyable selon les personnages. On peut résumer cela à du karma, le protagoniste est là pour faire pencher la balance.
Un petit mot sur les antagonistes du film, ce sont de bons salopards sans concessions, ils en imposent, pas besoin d’en faire plus.
Le décor n'est pas en reste ; le village, situé près d’un lac, laisse une atmosphère lugubre, fantôme, surréaliste. La photographie est juste sublime et apporte énormément à l’identité de ce western. Sans oublier la bande original, dans la lignée des pépites du genre.
La VF (de très bonne facture) commet une erreur sur la fin, en révélant que l’homme sans nom voulait simplement venger… son frère. Ce n’est pas le cas dans le script et dans la VO, qui laisse une ambiguïté, en fait on ne sait pas réellement pourquoi le drifter venge le marshall, est il apparenté ? est t-il justement un revenant des enfers prêt à confronter l’homme ?