Si l’on excepte le "non jeu" spectaculaire de Joaquin Phoenix et la fraîcheur de la nouvelle muse du cinéaste, Emma Stone, L’homme irrationnel n’apporte rien de neuf au cinéma de Woody Allen. Pour autant, le réalisateur prend ici un malin plaisir à jongler avec toutes ses thématiques de prédilection. Bourgeoisie, beaux parleurs, couples utopiques, adultères… tout le monde en prend pour son grade. En découle un florilège de ses leitmotivs. Alors qu’Abe semble au départ là pour bousculer l’ordre du petit monde bourgeois intello dans lequel il débarque, les pistes se brouillent au fur et à mesure. Encore une fois, tout ce beau monde semble inconsciemment dominé par le sexe, et en filigrane l’argent et la réussite. Si les sentiments qu’éprouve l’étudiante interprétée par Emma Stone pour son prof de philosophie sont probablement sincères, celle-ci ne peut s’empêcher de tenter une attaque en-dessous de la ceinture au détour d’une conversation anodine. Tandis que la professeure de biologie ne recherche la compagnie d’Abe que parce qu’il incarne pour elle un fantasme. Pire : même la démarche d’Abe visant à rechercher une nouvelle force créatrice n’est subordonnée avant toute chose que par son désir de résoudre son trouble de l’érection. Et non pas par sa panne d’inspiration pour son prochain livre – une œuvre sur Heidegger et le fascisme à laquelle il ne croit même pas – comme il veut s’en convaincre. Bref on reste sur sa faim. La faute à une morale et une chute un peu plates, malgré quelques jolis rebondissements.
L’homme irrationnel n’en demeure pas moins une œuvre mineure, quoi qu’attachante. De ces films charmants et subtils qui ne feront pas oublier la grâce implacable d’un Match Point.