Don Quichotte est le film maudit de Terry Gilliam. Tout d'abord, ce fut avec Jean Rochefort et Johnny Depp, un tournage parsemé d'embûches et inachevé pour cause d'intempéries à répétition, soucis financiers et problèmes de santé de l'acteur principal. Puis, pour sauver ce qui pouvait l'être, ce fut le reportage 'Lost in la Mancha' nous contant avec passion les coulisses de cet échec. Reportage qui, ironiquement, connut un succès peut-être plus retentissant qu'aurait pu connaître le film original alors qu'il ne s'agit que d'un Making-off. Terry se battait avec la météo comme Don Quichotte avec les géants, il était devenu aussi fou que son personnage.
On aurait pu s'arrêter là, mais Terry repart à l'assaut de ses moulins, peut-être revigoré par un remède de son Docteur Parnassus. Il veut faire plaisir à son public en remettant en scelle l'acteur de Brazil, Jonathan Pryce, lui aussi devenu populaire dans James Bond ou Game of Thrones notamment.
Remonter le temps, voilà le sujet d'un autre film comme Bandits, Bandits ou L'Armée des douze Singes, on ressent ici la nostalgie de sa gloire passée et le malaise d'une frustration de n'avoir jamais pu réaliser l'oeuvre de ses rêves. L'Homme qui tua Don Quichotte est un regard porté sur lui-même, son propre cinéma, dont on retrouve ici de multiples références. Terry filme un Adam Driver jouant son propre rôle, celui du réalisateur rencontrant de nombreux déboires, mais aussi celui du malheureux Cervantès, subissant des événements qui échappent à son contrôle. Tel Don Quichotte, on a toujours ce goût d'inachevé, Terry n'a pas réussi à vaincre les moulins géants, on a le sentiment qu'il filme sa propre folie où réalité et fantasme se confondent aisément...
Reste un Jonathan Pryce qui ne démérite pas à côté de notre Rochefort national, un personnage habité qui se prends réellement pour Don Quichotte dans le monde actuel. On retient également la scène du château où l'on se croirait presque au temps des grandes épopées chevaleresques, si ce n'est quelques détails, comme une cigarette à filtre ou des lampes électriques, qui nous rappellent que nous sommes dans une fiction à l'intérieur d'une fiction. On se demande parfois si nous sommes dans le désert ou dans une décharge en plein air, les moulins cachant en arrière plan des éoliennes ! Terry joue avec notre perception comme à l'époque des Monty Python. L'homme qui tua Don Quichotte est comme une poupée russe, sans faire de jeu de mots avec Olga Kurylenko, c'est une oeuvre à différents niveaux de réalité, un film dans le film...