Ce film, revu il y a peu, est un véritable paradoxe à plus d'un titre.
D'abord parce qu'il est souvent cité comme l'un des tous meilleurs westerns qui soit alors que précisément il s'affranchit d'un certain nombre de codes qui caractérisent le genre : le cow-boy viril et solitaire de "la Prisonnière du désert" ou de "L'Homme de l'ouest" laisse la place à deux héros dont un inhabituel homme de loi qui troque le revolver contre la baguette d'instituteur ; le duel final n'a rien de final et loin d'être le moment de vérité d'Il était une fois dans l'Ouest ou de "Règlement de comptes à O.K Corral" s'avère au contraire comme l'instant le moins vrai de l'histoire et enfin la conclusion ne s'appuie pas sur l'image stéréotypée du héros s'éloignant à l'horizon mission accomplie mais sur celle d'un couple fatigué, contrit et accablé dans l’anonymat d'une voiture ferroviaire.
Ensuite parce qu'avec son histoire, ce malin de John Ford prend à contre-pied le spectateur naïf que nous sommes en introduisant une manipulation narrative peu courante dans le western. En effet, dès le départ, nous entrons dans le récit rétrospectif de Ransom Stoddard (James Stewart) récit qui s'annonce comme la réhabilitation d'un héros méconnu, Tom Doniphon (John Wayne). Dès lors, pas de raison de douter des scènes auxquelles on assiste puisqu'elles sont censées rétablir la vérité sur l'histoire...jusqu'à ce qu'intervienne ce flash-back dans le flash-back qui désarçonne ce nouveau héros auquel nous nous étions habitué - l'homme de loi, droit et pacifique - pour faire ressurgir, en mode fantôme, le vieux héros individualiste et flingueur qui n'aura finalement pas dit son dernier mot.
Un film tout en paradoxes donc à l'image de ce titre, "L'Homme qui tua Liberty Valance" qui lui aussi peut induire en erreur : le nom "Liberty Valance" peut en effet passer, pour qui ne connait pas l'histoire, pour le nom du héros (Liberty/liberté : connotation positive) alors que c'est celui du méchant (Lee Marvin) et surtout parce qu'il suggère que le cœur du film sera l'instant du duel alors que ce dernier en est justement le moment le moins authentique.
Un grand film atypique.


Personnages/interprétation : 8/10
Histoire/scénario : 8/10
Mise en scène/réalisation : 8/10


8/10

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le 9 juin 2017

Critique lue 278 fois

20 j'aime

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Theloma

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