Ce petit film connut un succès certain pour plusieurs raisons qui aujourd’hui le préservent de l’oubli. Il s’agit d’une comédie familiale au sens le plus strict, qui parlera à tous les membres de la famille, du plus jeune au plus vieux. Il met en oeuvre des couples (adultes, enfants, adolescents) le temps de leurs vacances d’été sur la côte bretonne.


Le film n’est pas toujours bien bâti, hésitant entre son côté pochade adolescente où les uns et les autres se jouent des tours plus ou moins cruels et la comédie plus tendre, romantique où l’on expérimente les joies et les peines du marivaudage.


Le premier versant penche davantage vers la comédie pure, avec des gags quelquefois méchants, plus souvent bon enfant tout de même? Jamais vraiment corrosifs toutefois : on reste là dans un cadre encore une fois très ordinaire, un humour gentillet, de la joie simple, rien de révolutionnaire, ni revendicatif et qui, par conséquent, aura l’heur de plaire au plus grand nombre. Ce n’est pas l’aspect du film qui me touche. Cet humour n’est pas des plus originaux. Beaucoup trouveront même qu’il abêtit le film ou l’affadit si l’on veut être moins méchant.


Je préfère centrer mon attention sur le pan nostalgique et attendrissant du film. Bien souvent, et c’est là un point que de trop nombreux critiques éludent injustement, le cinéma de Michel Lang se nourrit de ce sentiment nostalgique, tourné vers le passé, riche de souvenirs. La critique a bon dos de mettre en avant le verso plus vulgaire, comique un peu lourd. Certes, il existe, mais il faut accepter cette dichotomie, quelquefois pas toujours aussi tranchée d’ailleurs chez ce cinéaste. Parce qu’en effet, parfois il est bien difficile de distinguer quand on bascule de l’un à l’autre.


Quoiqu’il en soit, certaines scènes du film offrent quelques moments de grâce, servies par de très bons acteurs (j’y reviendrai). Comme de savants temps de respiration, ces séquences viennent à des moments opportuns alléger le rythme, casser une tonalité trop pesante et aèrent un récit somme toute assez linéaire et attendu. Soudain, de petits instants de poésie viennent vous surprendre et approfondir la connaissance des personnages.


Je pense notamment à cette scène de pêche où les hommes, après avoir fait une belle prise et passé de bons moments de rigolade et de boustifaille, se laissent aller à la douce émotion de siroter le calme de la mer, instants de quiétude, le moment présent, la pause entre copains, à l’heure de la sieste quand les estomacs font le taf : la digression de Guy Marchand sur cette situation rare, hédoniste et délicate, est en tout point une perle que nous livre en cadeau le comédien. Il est tout bonnement excellent! Ses deux compères (Daniel Ceccaldi et Francis Lemaire) le regardent en silence, solidaires, tout aussi heureux et tout aussi bons.


Bien que n’ayant pas des rôles très compliqués, ces trois acteurs marquent le film de leur joie de jouer. Leur enthousiasme est évident, communicatif et fait sans doute l’une des forces du film. Dans une certaine mesure, pour Daniel Ceccaldi et Guy Marchand, ce film représente un moment-clé dans leur carrière, bien qu'ils aient eu beaucoup d’autres jalons à faire valoir dans leur filmographie. Pour Francis Lemaire, je me demande si ce n’est pas le film le plus important (je peux me tromper, le connaissant beaucoup moins).


J’ai beaucoup aimé la présence discrète de Michel Robin, la joyeuse participation de Myriam Boyer ainsi que celle toute en délicatesse et élégance de Martine Sarcey (comédienne dont la voix est du velours à mon oreille).


J’opterais cependant un discours très nettement moins laudateur pour les prestations des plus jeunes, mais disons que les performances de toutes jeunes Anne Parillaud et Sophie Barjac ne sont pas trop mauvaises.


Alors certes, le film repose surtout sur un humour basique, très souvent imité par ailleurs : le gag d’une personne isolée sur un banc de sable par la marée a été repris dans Camping, entre autres. De même, une grande partie du film joue sur une maturité excessive des gamins jouant aux adultes, modèle très largement repris et que Michel Lang va répéter pour un autre de ses autres films, A nous les garçons, même si ce ne sera pas sa thématique centrale. Cette recette s’assure les bonnes grâces d’un plus large panel de spectateurs.


Mais, encore une fois, sans pour autant le mettre sous le tapis, ne nous arrêtons pas à cela, nous manquerions quelques jolis numéros d’acteurs, une atmosphère estivale passée, rieuse, dure aussi, une sincère tendresse pour les personnages qui ne se dément pas. Le sentiment de sympathie que suscite ce film n’est pas le fruit d’un quelconque mensonge, d’une supercherie de la part du scénario ou de la réalisation. Et, il y a même quelques touches de poésie nostalgique.


Au delà de la forme, dans les comportements même des personnages, le film a quelque peu vieilli, dans le bon sens du terme. En effet, c’est formidable que le film puisse être vu comme un document sur une autre époque, “o tempora o mores”. Et l’on s’amusera à noter les différences ou au contraire les convergences avec cette France des années 70. L’hôtel de la plage a été un film important du cinéma populaire français pour des raisons qu’il est bon de découvrir ou de redécouvrir malgré tous ses petits défauts évidents.


captures et trombi

Alligator
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le 17 nov. 2012

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