Difficile de noter ce film, ce serait un peu comme mettre une note au journal d'Anne Frank. Le film commence par la manifestation massive à Charlie Hebdo au lendemain des attentats. Et on sait de quoi on parle : de la mort de Cabu, Wolinski, Elsa Cayat, Charb, Honoré, Bernard Maris, Moustapha Ourrad, Tignous. Et de l'attentat de l'Hyper Casher qui suit juste après. Par rapport à C'est dur d'être aimé par des cons, le ton est bien plus grave et dépouillé. A noter que Fourest ne participe pas aux témoignages, ni les vrais anciens.
Le film suit les témoignages pour reconstituer un peu les événements, mais en privilégiant l'émotion sur la recherche d'une véritable chronologie des faits. Il faut dire que le témoignage de Coco, qui a été braquée dans l'ascenseur par les deux assassins cherchant les locaux de la rédaction, et celui de Luz, qui se souvient des culs ensanglantés de ses amis, sont vraiment touchants. Les images et les témoignages apportent peu par rapport à ce que l'on sait déjà, mais cela reste très poignant.
On voit encore la commémoration qui suit, la tristesse poignante des survivants, dont on sent la mauvaise conscience, et la difficulté de sortir le fameux numéro "Tout est pardonné" (Je me souviens de toutes ces bourgeoises emperlouzées se battant pour avoir leur numéro-mémorial). On termine par une série de portraits des disparus, avec des images de karaoké kitsch. Il y a des invités comme le musulman modéré Soufiane Zitouni. On entend pas beaucoup Val, ce qui est très bien, et davantage Riss et Luz. On revient rapidement sur les critiques, en insistant que celle qui a fait le plus mal, une des premières, ce fut celle d'un ancien, Delfeil de Ton. On ne donne pas pour autant la parole à celui-ci, ce qui est assez moche.
L'humour à mort n'est pas du tout un film original. Ce n'est pas un film analytique sur ce que fut Charlie Hebdo, c'est un film mémorial. Il est donc difficile de le noter. Je ne sais pas si Cabu ou Charb auraient aimé être présentés en martyrs, mais cela reste un film nécessaire. Profond, je ne sais pas, mais nécessaire, sans doute, car il capte, hélas sans chercher à expliquer, mais il capte l'émotion du moment, ce frêle moment de communion nationale qui n'a plus jamais autant existé lors des attentats suivants.
update 20/11/20 Je baisse ma note après avoir lu le Mohicans de Denis Robert, qui montre à quel point le film, tourné à la va-vite pour pouvoir être présenté à Cannes, a quelque chose d'assez indécent. Une partie de la rédaction du journal avait d'ailleurs protesté contre, le trouvant obscène. Je le comprends aisément. Il fait une relecture a posteriori qui appauvrit assez ce que fut Charlie.