La vie d'un quartier parisien,sur les bords du Canal Saint-Martin,est perturbée par les activités d'un insaisissable tueur en série qui étrangle des jeunes femmes.C'était l'époque où Jean-Pierre Mocky,ici réalisateur,coscénariste et coproducteur,parvenait à concilier inspiration anarchique et qualité cinématographique.Il a coécrit le script avec son habituel collaborateur André Ruellan,adaptant comme souvent un polar américain,en l'occurrence une nouvelle de Fredric Brown.Mais bon,ça reste du Mocky avec tout ce que ça comporte de branquignolerie,et ça s'éloigne donc largement du matériau d'origine.Sur une musique lancinante tout-à-fait adéquate d'Eric Demarsan,nous suivons donc les aventures de quelques personnages extravagants mêlés de près ou de loin à cette affaire de serial killer.Un concentré de petit peuple s'agite aux alentours du canal,chacun essayant d'échapper à sa condition.L'assassin tente d'exorciser un fantasme d'enfance non assouvi,le kiosquier est un vieux mythomane qui invente n'importe quoi pour qu'on s'intéresse à lui,n'hésitant pas à s'accuser des meurtres dont il est innocent,le restaurateur est hypocondriaque et veut trouver de l'argent pour acheter une maison au bord de la mer,le représentant en spiritueux boit plus de sa marchandise qu'il n'en vend et est poursuivi par ses créanciers car il a des dettes de jeu,sa femme veut le quitter et ouvrir son salon de coiffure grâce à la vente de ses bijoux de famille que tout le monde convoite.Ces destins entrecroisés se percutent,se perdent et se retrouvent,formant un ballet bizarre et chaotique,pendant que l'étrangleur rôde,à la recherche d'une nouvelle proie.C'est parfois drôle,plutôt cohérent dans la narration et porté par une fabuleuse troupe d'acteurs chevronnés.Bien sûr c'est souvent foutraque dans le détail,avec des dialogues un peu trop grandiloquents et des scènes d'action complètement nazes,à la Mocky en somme.Il y a beaucoup de Michel là-dedans.Serrault est impérial en terne employé de la Sécu occupant ses loisirs à la strangulation industrielle.Simon,dans son dernier rôle,est marrant en vendeur de journaux anti-touristes,faux criminel et vrai mytho.Galabru fait un grand show en marchand de gnôle alcoolo,joueur,largué par son épouse et traqué par des recouvreurs de dettes dangereux,un sacré pauvre type.Francini est éblouissant en usurier caïd du quartier et ancien combattant très abîmé.Mais il n'y a pas que des Mimi,on a aussi un prodigieux Jean Le Poulain en restaurateur gréco-auvergnat malade qui veut absolument vendre son boui-boui et partir respirer un air pur et iodé.Evelyne Buyle,grande gigue sexy,est une serveuse objet de toutes les attentions à cause des fameux bijoux qu'elle détient,et une Caroline Silhol débutante affiche déjà une belle présence en domestique effrontée.Et puis les gueules d'enfer du Mocky Circus sont bien présentes avec Jean-Claude Rémoleux en cuisinier voleur,Dominique Zardi en sbire brutal,Antoine Mayor en chauffeur de taxi patibulaire,Jean Abeillé en voisin affolé,Gérard Hoffmann en artiste de boîte à strip,Georges Lucas en brigadier de police pas finaud et l'étrange petit noir Philibert Suédois,que le cinéaste réemploiera dans "Le roi des bricoleurs",en "neveu" de Michel Simon,qu'il suit partout.Notes et critiques de films de Jean-Pierre Mocky publiées précédemment:voir critique "Un linceul n'a pas de poches".Nouvelle moyenne:4.