Si L’Île aux Chiens est une merveille, c’est parce qu’il marie de la plus belle façon qui soit la poésie des ruines et la fable politique, le tour de force esthétique et le minimalisme émotionnel et dramatique. Le rythme est savamment dosé, orchestré par les géniales sonorités musicales réunies et développées par Alexandre Desplat. La tonalité allie humour féroce, action truculente et brutalité ambiante pour aboutir à une justesse de chaque instant dans laquelle enfant et chien se valent dans l’Enfer laissé par leurs père et maître comme unique refuge où restaurer l’humanité désolée. L’animation relate le travail d’orfèvre avec lequel Wes Anderson a, comme à son habitude, donné vie à un univers cohérent, précis dont la minutie n’a son équivalent que dans le désordre d’une révolution pourtant menée avec tactique et parcimonie. On a l’impression que le chaos des forces, autant créatrices que destructrices donc, se déchaîne devant nous mais au ralenti, figé à échelle humaine ou canine, pour rejouer encore et encore – le motif de la répétition étant omniprésent, traduit par la reprise du thème musical principal – la tragédie historique en mode mineur parmi les espaces de solitude. Et si le régime final renverse le précédent d’un point de vue idéologique, ce n’est que pour en réalité en adopter le même fanatisme, mais renversé : la peine de mort contre ceux qui n’apprécient pas les chiens. La boucle est bouclée.
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