Adonis en short

Un GI et une infirmière se retrouvent sur une île déserte à la suite d'un naufrage. Très vite, le premier tombe amoureux de la seconde, plus âgée, maternante et conciliante, mais qui préfèrera les charmes d'un aviateur plus conformément viril échoué là à son tour. À la fois comédie conjugale avec dialogues débités à toute vitesse et ode sensuelle aux corps libérés, le film joue un drôle de jeu de genres : la répartition des rôles masculins et féminins habituels au cinéma hollywoodien se fissure. Certes l'admirable Linda Darnell se voit contrainte de jouer la femme peureuse, gaffeuse, dépendante. Mais en face, Tab Hunter tout jeune (c'est son premier film après une mini apparition chez Losey) ne remplit guère le rôle dévolu au masculin. Adonis sortant des eaux, en minishort blanc pendant quasi tout le film, éphèbe blond pris dans le couchant mais piquant les crises de rage d'un gamin frustré, il y a de quoi être sidéré - surtout quand on sait l'homosexualité de l'acteur, qui sortait comme Rock Hudson de l'"écurie" Henry Wilson. Le personnage a beau clamer son désir pour Linda Darnell, on est plutôt d'accord avec celle-ci quand elle le renvoie à ses langes (trop jeune - ou trop gay ?). Accent californien typique doublé d'une voix nasillarde, pectoraux bronzés et sourires désarmants d'enfant de choeur, à la fois mal à l'aise dans son jeu et touchant dans sa bonne volonté, l'acteur invente malgré lui un modèle qui devra attendre le Brat Pack du début des années 80 pour triompher vraiment à Hollywood. A l'inverse de ses contemporains Actor's Studio, il offre sa plastique resplendissante avec une ingénuité totale, homme-objet pour une fois à égalité avec la femme-objet qu'incarne Darnell. Le cinéma de cette décennie ne saura pas trop quoi faire de lui, à part un magnifique second rôle chez Walsh, et bien sûr son seul grand film, LE SALAIRE DE LA VIOLENCE, qui en fera un personnage violemment névrosé, sombre et tragique, retournant la médaille côté pile.

En attendant, cette ILE DU DÉSIR se laisse voir avec plaisir, à condition de savoir slalomer entre les poncifs posés sur la plage et les facilités accrochées aux arbres : il y a un beau duo, inédit et troublant.