🏝️🌴🏖️ L'œuvre de Robin Campillo, que ce soit en tant que réalisateur ou scénariste, explore invariablement le thème des individus incapables de saisir pleinement la réalité qui les entoure. Son dernier film, "L'Île Rouge", ne déroge pas à cette règle, offrant une plongée profonde dans les méandres de la perception humaine.
Ce sont par exemple 2 séquences emblématique du film :
- L'une met en lumière cette thématique de ce que l'on veut voir. Un regard que l'on construit : spectacle du Père Noël qui, depuis son avion militaire, distribue ses cadeaux.
- L'autre qui clôture la (2nde) scène introductive avec ce que l'on se refuse à voir. Un regard escamoté sur la marche du Monde : le retrait discret du tuyau d'arrosage par un domestique noir, qui est délibérément exclu du cadre à la demande du colon blanc.
Cette mise en scène souligne la tendance des personnages à ignorer les aspects cruciaux de leur réalité, préférant se concentrer sur des éléments superficiels ou illusoires. Et le geste s'assume pleinement dans les jolies scènes oniriques "Fantômette" qui terminent tout ce que le cinéma réactionnaire sépia des Choristes à la guerre des boutons a pu nous servir en matière de mise en image de l'imaginaire enfant 60s. Avec ces séquences extrêmement jolies, Campillo expose la capacité du cinéma à construire en contraste avec la difficulté pour lui de déconstruire.
Dans l'univers de Campillo, les personnages ne parviennent jamais à développer une compréhension de leur Monde, de son fonctionnement. De sa trajectoire surtout. Ils restent non seulement aveugles aux véritables enjeux et dynamiques qui les entourent, mais sont le plus souvent inconscients même de cette incompétence perceptuelle.
Ainsi, pour le dire plus prosaïquement, l'humanité serait incapable de trouver de bonnes solutions aux défis qui lui sont contemporains, car leurs préoccupations sont tournées vers les mauvais problèmes.
Cinéma Coupable
"L'Île Rouge" aborde ainsi non pas l'inconscient colonial français, son "impensé", mais plutôt son "non-vu" ou "non-compris".
Le cinéma de Campillo se fait alors le témoin d'une forme de culpabilité, celle de ne pas pouvoir représenter fidèlement la réalité, voir de faire détourner le regard du spectateur, par sa capacité même à donner vie à de l'imaginaire.
Esthétiquement, le film est un véritable bijou, avec des images soigneusement composées, une bande sonore envoûtante et un montage impeccable. Les acteurs brillent dans leurs rôles, livrant des performances authentiques et des dialogues percutants.
Enfant
Cependant, cette idée d'insaisissable marche du Monde, si elle m'intéresse beaucoup, je ne peux que la trouver plus lourdaude lorsqu'elle est projetée dans le regard d'un enfant. Y a un côté presque trop facile.
Il est souvent dit que les films sur l'enfance sont parmi les plus personnels pour leurs réalisateurs. Bien que cela puisse être une fausse piste du point de vue autobiographique, il est difficile de ne pas voir dans le regard du jeune héros de "L'Île Rouge" une projection des propres expériences et perceptions du monde de Campillo. Comme un aveu pour l'origine de son obsession pour la question de la perception et du regard.
En fin de compte, "L'Île Rouge" est un film remarquable, mais certainement pas le meilleur de son auteur.