Coline Morel nous l'apprend dès les premiers instants : elle a 46 ans et dans un an elle sera morte.

Avant d'en arriver à cette extrême nous la découvrons, intrépide exploratrice, spécialiste des deux pôles (et pour une bipolaire c'est très drôle...) mais aussi mue par l'obsession de trouver le qittavoq (alias le yéti du Groenland, alias l'abominable homme des neiges de chez nous). Après deux années passées loin de la France à traquer la bestiole, sans avoir donné la moindre nouvelle à sa famille, elle rentre au pays et plus exactement dans la maison familiale du Jura (la nouvelle place to be du cinéma) occupée par son frère aîné. Dans la foulée elle apprend son licenciement pour faute lourde et son amoureux depuis des années la quitte par un lapidaire message téléphonique. Autant dire que Coline n'est pas à la fête. Cela ne s'arrange pas lorsque revenue au pays, elle se jette littéralement au cou d'un amour de lycée qui a femme et enfant et la repousse avec quelques ménagements.

Bien que le personnage de Coline soit particulièrement "chargé" en déboires et désillusions, bien que j'aie eu du mal à croire en Blanche Gardin exploratrice et que le personnage ne soit pas très sympathique, je me suis attachée à ses pas et à son parcours. Plus le film avance, hésitant constamment entre farce et drame, plus je voulais en savoir plus sur cette drôle de bonne femme solitaire et vaguement indifférente aux autres. Il faut dire qu'elle est entourée de ses frères de cinéma et que Philippe Katerine (Basile) et Bastien Bouillon (Lolo) armés de patience et d'affection pour cette soeur fuyante et énigmatique sont les frères que l'on rêverait d'avoir.

Lors d'une nouvelle dérobade, Coline se retrouve au Groenland où nous avons le bonheur immense de faire la connaissance de deux autres frères impayables. Ole et Martika (qui ne cesse de manger des bonbons haribo) accueillent Coline et nous servent de guide pour nous faire découvrir la vie des inuits. Le changement est radical, même si le Jura peut faire office de Groenland français, les couleurs, le rythme, tout est différent dans ce décor glacé aux maisons colorées. Après quelques moments de pure comédie dans la première partie (une intervention dans une école où Coline terrifie les enfants d'une classe de primaire avec ses récits, une bagarre avec un policier (Aymeric Lompret encore une fois hilarant) qu'elle mord et qui la bat violemment (ça n'a tellement pas de sens que c'en est drôle) ou une escapade vertigineuse (je me suis vue tomber...)), le ton se fait plus mélancolique sans être franchement cafardeux malgré l'issue que l'on connaît dès le début.

Quelques moments particulièrement désarmants et touchants sont musicaux : celui où un médecin qui doit annoncer une triste nouvelle se met à chanter dans un français approximatif délicieux Les Champs-Elysées de Joe Dassin et cet autre où les deux frangins conducteurs de traîneaux entonnent une berceuse inuite reprise en seconde voix par Philippe Katerine. Difficile alors de ne pas se laisser gagner par l'émotion.

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