Un écrivain américain vivant à Rome est un soir témoin de la tentative de meurtre d'une femme.L'agresseur semble être l'insaisissable serial killer qui a déjà sévi plusieurs fois et le yankee se met à enquêter afin d'aider la police.Les trois premiers films de Dario Argento,tournés coup sur coup, constituent ce qu'on appelle la "trilogie animalière" et "L'oiseau au plumage de cristal" en est l'opus initial,qui sera suivi en 71 par "Le chat à neuf queues" et en 72 par "Quatre mouches de velours gris".Ces oeuvres font partie du genre du giallo,mélange de polar angoissant,de meurtres sauvages et d'érotisme glauque inspiré d'une collection de romans de gare très populaires à l'époque en Italie et nommés ainsi en référence à la couleur de leurs couvertures,giallo voulant dire jaune.Le premier essai du genre au cinéma est l'excellent "La fille qui en savait trop" de Mario Bava,datant de 63.La grande période de ce cinéma fut les années 60-70 et les meilleurs réalisateurs de la spécialité sont Bava,Argento et Lucio Fulci.Argento,qui signe le scénario, adapte ici très librement et sans le citer un roman de Fredric Brown,"La belle et la bête",déjà porté à l'écran dans un film américain de 58,"Le ballet du désir" de Gerd Oswald.Pour son premier film,le cinéaste fait preuve d'une maîtrise stupéfiante et livre une oeuvre pensée au visuel éblouissant.D'une recherche extrêmement sophistiquée,la mise en scène aligne des plans dont chacun est une oeuvre d'art.Argento compose avec virtuosité des images saisies sous des angles originaux jouant à merveille de la géométrie de l'espace.Les mouvements d'appareils sont constamment variés et surprenants,alternant plongées,contre-plongées,zooms avant ou arrière,la façon qu'a la caméra de partir du gros plan pour reculer et passer au plan d'ensemble étant parfaite.Tout ceci est d'une grande lisibilité et crée des ambiances à la fois ouatées et inquiétantes propres aux films italiens nocturnes.On pense à Bava bien sûr,mais aussi à "La nuit" d'Antonioni.Il y a d'ailleurs une référence indirecte à ce film,un cinéma affichant un film de Jean Valère,"La femme écarlate", avec Monica Vitti,la vedette de "La notte".Le dispositif est très au point et donne des scènes splendides,comme celle de la poursuite dans le dépôt de bus ou celle de l'agression du début,dans une galerie d'art.Nous sommes en pleine nuit et la boutique est puissamment éclairée.Tandis que la victime se traîne au sol,ensanglantée,le héros la regarde impuissant de l'autre côté de la vitrine,lui-même étant coincé dans un sas entre deux vitres.Le jeu sur l'ombre et la lumière est magnifique,la photo opérant un contraste violent entre l'obscurité et des décors aux couleurs très vives.D'ailleurs,tous les décors,intérieurs et extérieurs,sont étudiés soigneusement et participent de l'ambiance angoissante des séquences,qu'il s'agisse des immeubles bourgeois à l'architecture superbe ou de boui-bouis sordides à l'abandon.Il faut dire que le chef opérateur n'est autre que le grand Vittorio Storaro,et comme Argento ne s'est rien refusé,c'est Ennio Morricone en personne qui signe une musique stressante à souhait qui colle aux images et titille délicieusement les nerfs du spectateur.Ajoutons à cela une caméra à l'occasion subjective qui se met à la place du tueur suivant ses proies et l'on obtient un thriller imparable zébré de meurtres au rasoir survenant brusquement et filmés cut,avec une rapidité et une violence traumatisantes.Argento traque l'insolite dans tous les lieux,toutes les situations,tous les personnages,ces derniers étant systématiquement étranges,barrés ou pittoresques,et il y a plein de jolies filles sacrifiant à cette délicieuse mode d'alors de la mini-jupe agrémentée de bottes.Les bases de la trilogie sont jetées ici,avec des éléments que l'on retrouvera dans les deux films suivants.Des crimes en série,des détectives amateurs s'emparant de l'enquête,des techniques d'investigation policières d'avant-garde,du moins pour l'époque,du jeu sur la perception visuelle et auditive,des coupables féminines,ce qui a valu à Dario d'être taxé de misogynie,des échappées humoristiques à travers des personnages truculents comme le souteneur bègue,le peintre félinivore ou l'antiquaire homosexuel.Ce dernier répond d'ailleurs au détective pédé joué par Jean-Pierre Marielle dans "Quatre mouches",tout comme le barbouilleur cinglé cloîtré dans sa ferme murée aura son écho avec un autre gros barbu vivant lui aussi à la campagne et interprété par Bud Spencer dans le même film.Au rayon défauts,il faut avouer que l'intrigue lambine en route et s'égare parfois dans des digressions superflues,alors que le final est quelque peu confus et expédié.Mais l'ensemble est d'une belle qualité esthétique et marie bien exercice de style et efficacité dramatique.La distribution,bien que cosmopolite,se révèle homogène.L'italo-américain Tony Musante assure dans le rôle d'un type vulnérable et malmené alors qu'il est plutôt d'ordinaire utilisé dans des personnages durs et virils.Sa petite amie fine mouche a le charme acidulé de la diablement jolie anglaise Suzy Kendall.L'autrichien Reggie Nalder promène sa tronche à faire peur comme il le faisait en 56 dans "L'homme qui en savait trop" d'Hitchcock.Le suisse Mario Adorf,en ermite cinglé,et l'allemand Werner Peters,en homo entreprenant,exécutent de picaresques numéros.Côté main d'oeuvre locale,il y a le solide Enrico Maria Salerno en flic fatigué mais pugnace,la belle Eva Renzi en victime perturbée et le distingué Umberto Raho en patricien hautain.

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le 17 mai 2020

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