J'avais découvert "Seconds" pour la première fois en 2012, et ce fut une sacrée expérience. 13 ans plus tard, j'ai l'occasion de mettre la main sur une nouvelle remasterisation HD du film, éditée en Bluray par Sidonis Calysta. Et il fallait bien ça pour rendre hommage à la superbe photographie signée James Wong Howe.
Dans cette critique, j'en dévoilerai le moins possible sur l'intrigue. En effet, "Seconds", c'est le genre de film qu'il est préférable de découvrir à froid. Tout juste dirai-je que c'est l'histoire d'un banquier cinquantenaire, qui change de vie.
Après un générique des plus malsains conçu par Saul Bass, le premier tiers du film est aussi baroque que paranoïaque. On ne comprend pas tous les tenants et aboutissant, si ce n'est que le protagoniste est en train de se faire happer dans une énorme machine kafkaïenne et faustienne.
Le tout filmé avec des plans de dingues : grand angles, gros plans cauchemardesque, plans fixés aux personnages, caméra à l'épaule (très rare à l'époque), décors infernaux... On sent que John Frankenheimer et son chef opérateur se sont amusés à expérimenter, avec tout leur savoir-faire. En particulier, le noir & blanc est éclatant à souhait, et la gestion des ombres excellente.
La suite du film sera plus sobre, plus mélancolique, plus lente. Ce qui n'empêche pas Frankenheimer de continuer à expérimenter. Avec une courte scène surréaliste dans un avion, ou cette étrange fête dionysienne, qui enivre lentement (et littéralement) son héros. Etonnant au passage de voir autant de nudité pour l'époque.
C'est à travers ce coeur que "Seconds" déploie tout son message. Conte acerbe sur la crise de la cinquantaine. Critique de la société américaine qui pousse les gens à se conformer à un mode de vie consumériste qu'ils ne veulent peut-être pas réellement. Jusqu'à un final terrifiant.
Rock Hudson voulait le rôle principal pour casser son image de dandy hollywoodien. Si à l'époque, "Seconds" fut un échec critique et public cinglant, on peut dire qu'a posteriori c'est très réussi ! Il est excellent dans ce personnage paumé, écrasé par la noirceur du récit et le pouvoir de ceux qui le manipulent.
John Randolph ne démérite pas non plus. Pour l'anecdote, il était à l'origine prévu d'embaucher un seul acteur pour leurs deux prestation. Mais Rock Hudson, peu confiant, préféra se limiter à son rôle tel qu'on le connait.
Avec en prime la jolie BO de Jerry Goldmsith, "Seconds" est un film expérimental très noir, à mi-chemin entre l'horreur et la SF, qui vaut amplement d'être (re)découvert. Il constitue également une conclusion très forte à la trilogie de la paranoïa de Frankenheimer, composée de "The Manchurian Candidate" et "Seven Days in May".