l'agneau dans la fosse aux pseudos lions

Arthur Dupont parlant de son personnage "ça aurait pu arriver à quelqu'un d'autre", révèle malgré lui le talon d’Achille du film.


Tout miser sur ce pâle outsider, victime du système tel que s'est décrit Jérôme Kerviel qui on le sait a posé ses conditions par respect de sa vie privée, ne s'avère pas payant au final. A suivre le parcours de cet individu ordinaire broyé par la Machine, ce biopic malgré lui reste prisonnier du réel, contraint de suivre cette trajectoire balisée où l'on guette avidement les tournants, les déclics, et les moments clefs.


Bien conscient de cet écueil, Barratier a injecté de la fiction avec cette entourloupe du début, plus gênante que réussie, et ce personnage un peu plus carnassier, un peu plus humain que les autres, incarné par Demaison qui apporte souffle et coffre à un spectacle aussi désolant qu'asphyxié. La seule vraie bonne idée du film.


Le film souffre plus généralement de la comparaison avec les films américains* sur le même sujet. Et il nous montre qu'il le sait...
il se la joue modeste et au final on y comprend goutte à cet Océan de la mondialisation financière dans l' Outsider. Barratier reste prudent, et on sent bien qu'il est dépassé par le sujet dans sa globalité malgré un scène très réussie sur l' échelle des valeurs.


Un parti pris plus radical aurait été de ne pas se focaliser sur Kerviel.
De jeter un regard froid et chirurgical sur l' ensemble, sur ces animaux qui s'agitent comme des bêtes à faire du chiffre, de traquer leur petite inhumanité jusque dans leurs chiottes ou leurs mœurs sexuels de petits lapins minables.


Et puis, au moment où l' affaire explose, montrer comment le Monstre sacrifie le bouc émissaire, comment tout le monde cherche à sauver sa peau, la catastrophe si bien décrite par Margin Call. Comment tout le monde est responsable dans un redoutable engrenage .Et surtout comment dans cet univers d'entre soi, de sortis des grandes écoles façon "crème de la crème", c'est forcément l'outsider qui a merdé à trop vouloir prouver... Là le personnage de K aurait pris toute sa place.
Autour de lui, le personnage incarné par Prévost et son acolyte manquent d'épaisseur. Une dimension tragique aurait créé de l'empathie pour ce troupeau infantile de moutons lions plus étriqués qu'autre chose. Des fonctionnaires du profit, de purs rouages... Triste réalité peut être, alors il aurait fallu mettre l' accent là dessus, montrer leurs vies privées de merde, je ne sais....
Tout ceci ne reste qu'esquissé dans le film, portion congrue de la trajectoire qu'on nous inflige comme un pensum. La fin du film est plus intéressante ( en témoigne une scène aussi fugitive que juste qui nous cueille avant d'être emporté par le flot ) mais écrasée par la masse un peu indigeste de l'ensemble.


*Le loup de Wall Street dans lequel Scorcese/ Di Caprio mettent KO leur vis à vis aux gabarits trop légers, comme le casse de Wall Street où les auteurs ont misé sur les bons chevaux ( "les individus contre le système", pure philosophie US ) pour emporté notre empathie et nous instruire.

PhyleasFogg
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le 28 juin 2016

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PhyleasFogg

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