Un film absolument incroyable, sorti seulement quatre ans après l'indépendance d'Algérie, mais d'une lucidité limpide. Que ce soit dans son portrait du FLN ou de l'armée française, le film ne fait jamais dans le manichéen, se déguisant presque en documentaire impartial, de par son style de caméra à l'épaule, en noir et blanc, façon reportage de guerre. C'est un film qui nous montre bien le pouvoir politique du cinéma, car il encourage les spectateurs à sympathiser avec une cause à travers de simples choix de cadrages, de montage, et de musique. Si la caméra suit un membre du FLN en train de se faire courser par la police sur une musique tendue, le spectateur s'identifie émotionnellement à ce personnage en fuite, quand il voit la peur, l'humanité, sur son visage. On a envie que ces femmes déguisées réussissent à passer les points de contrôle policier afin de pouvoir mettre en place ces bombes dans les lieux publiques. En même temps, le film questionne la moralité de ces attentas en enchaînant des gros plans sur les futures victimes, des enfants, des femmes, des jeunes insouciants. Cette prise de position nuancée est également incarné par l'antagoniste principal du film, le lieutenant français. Il est à la fois l'instigateur de la torture des algériens, un personnage horrible, mais aussi présenté comme un ancien résistant, qui a combattu les nazis, et offre à chaque fois une chance d'un "procès juste" (soi-disant) aux membres du FLN. Je suis convaincu que ce sont des nuances comme celles-ci qui rendent un film politique réellement efficace, car il convainc les spectateurs qu'ils n'ont pas affaire à une caricature biaisée de la réalité, mais bien à une présentation plus objective, alors qu'en réalité, rien n'est moins objectif que le cinéma.