"Le premier hold-up psychologique de l'histoire du banditisme."

Deuxième film de Lelouch que je vois, l'autre étant "Un homme et une femme" quelques jours auparavant, on image facilement la confusion qui peut régner au tout début de "La Bonne Année" : en guise d'introduction de ce dernier film, des images du premier. Hein ?! Mais non, ce n'est pas Jean-Louis Trintignant et Anouk Aimée qui reviennent 7 ans plus tard, mais un film dans le film, projeté dans une prison. Forcément, l'obtention des droits a dû être facilitée.


Ce film a beau être un joli petit bordel esthétique et narratif, il y a dans le ton global une touche d'originalité qui se suffit à elle-même et qui permet de passer outre quelques petits cafouillages (volontaires ou non). La confusion est peut-être une valeur délibérément entretenue à l'intérieur et à l'extérieur du film : Lino Ventura ne sait plus trop quel sens donner à sa vie et nous, on ne sait plus trop quel sens donner à tous ces changements de rythme, de couleurs, de temporalités. Le noir et blanc s'envole aussi vite qu'il est arrivé (une constante chez Lelouch ?), les flashbacks se mêlent à des séquences rêvées ou imaginées, etc. C'est parfaitement décousu, mais en même temps vraisemblablement maîtrisé.


C'est ce que je retiendrai de ce magma étrange : d'une sorte de bordel généralisé émerge une relation relativement stabilisée entre un gangster souhaitant réaliser "le premier hold-up psychologique de l'histoire du banditisme" et une antiquaire blasée par la vacuité de son milieu snob. Le dîner mondain auquel participe Ventura est d'ailleurs plutôt réussi, assez tranchant dans son propos, avec d'un côté une prétendue élite raffinée qui lit les critiques avant d'aller au cinéma et de l'autre un gars du peuple, brut mais pas idiot, qui va voir des films "exactement comme quand il choisit une femme : en prenant des risques !".


Le côté fantaisiste voire flottant en lassera sans aucun doute beaucoup, le parallèle entre la préparation minutieuse d'un hold-up et une opération de séduction aussi, mais il s'en dégage un charme plus subtil que ce qu'on aurait pu croire de prime abord. C'est flou, c'est bancal, c'est bizarre, il y a Mireille Mathieu qui surgit de nulle part, mais c'est étrangement attachant. Et je crois qu'il ne faudra pas trop relire la dernière partie de cette phrase, associant les termes "Mireille Mathieu" et "attachant".


[AB #177]

Créée

le 25 déc. 2016

Critique lue 1.6K fois

18 j'aime

2 commentaires

Morrinson

Écrit par

Critique lue 1.6K fois

18
2

D'autres avis sur La Bonne Année

La Bonne Année
BrunePlatine
8

L'av-Ventura

Je confesse un absolu manque d'objectivité quant aux oeuvres de Claude Lelouch qui m'ont ou transcendée (Roman de gare, Un+une, Itinéraire d'un enfant gâté) ou pour le moins charmée (Un homme et...

le 3 janv. 2017

22 j'aime

10

La Bonne Année
Wakapou
7

« Vous préférez l'accordéon ? »

Attention, film allergique aux esthètes : oui, La Bonne Année, un peu trop long, un peu bancal, et bizarrement monté. L’alternance entre le noir et blanc et la couleur, l’introduction de séquences...

le 26 nov. 2013

21 j'aime

2

La Bonne Année
Plume231
6

Kubrick avait adoré, ça peut se comprendre !!!

A part "Un Homme et une Femme" qui n'est pas trop mal, j'avoue que Claude Lelouch n'est absolument pas ma tasse de thé. Je trouve son style beaucoup trop brouillon que ce soit au plan technique...

le 16 nov. 2013

19 j'aime

2

Du même critique

Boyhood
Morrinson
5

Boyhood, chronique d'une désillusion

Ceci n'est pas vraiment une critique, mais je n'ai pas trouvé le bouton "Écrire la chronique d'une désillusion" sur SC. Une question me hante depuis que les lumières se sont rallumées. Comment...

le 20 juil. 2014

142 j'aime

54

Birdman
Morrinson
5

Batman, évidemment

"Birdman", le film sur cet acteur en pleine rédemption à Broadway, des années après la gloire du super-héros qu'il incarnait, n'est pas si mal. Il ose, il expérimente, il questionne, pas toujours...

le 10 janv. 2015

138 j'aime

21

Her
Morrinson
9

Her

Her est un film américain réalisé par Spike Jonze, sorti aux États-Unis en 2013 et prévu en France pour le 19 mars 2014. Plutôt que de définir cette œuvre comme une "comédie de science-fiction", je...

le 8 mars 2014

125 j'aime

11