La bonne épouse nous entretient d'une époque qui parait si lointaine mais ne l'est pas tant que cela, quelques mois avant la Révolution de 68. En ce temps-là, fleurissaient les écoles ménagères dont le but était de former des épouses parfaites, soumises et fières de leur condition d'esclaves domestiques. Pilier n°1 de l'éducation : "la bonne épouse est avant tout la compagne de son mari, ce qui suppose oubli de soi, compréhension et bonne humeur." En résumé : sois une bonne ménagère et tais-toi ! De ces préceptes d'un autre âge, le film de Martin Provost, dont les films parlent toujours d'émancipation féminine (Séraphine, Violette), fait évidemment son miel, forçant presque jusqu'à la caricature dans les premières minutes, histoire de bien poser la situation. Le côté documentaire et réaliste de La bonne épouse avec la formation dispensée dans cette école ménagère nourrit tout le début du film et permet à la fiction de prendre ses droits, un peu avec ses élèves adolescentes mais surtout avec son trio d'enseignantes, volontairement montrées comme des archétypes (la BCBG, la vieille fille et la religieuse) dont la confrontation avec de jeunes femmes potentiellement rebelles ne peut que faire des étincelles. Avec son rythme soutenu et ses dialogues crépitants, le film tient ses promesses de comédie euphorisante et colorée, à l'écriture impeccable, même avec quelques menues facilités narratives au passage, et une évocation précise de quelques icônes de l'époque (de Ménie Grégoire à Guy Lux, en passant par Adamo et Yvonne de Gaulle). La troïka à la tête de l'école ménagère est incarnée par des actrices en état de grâce dont l'enthousiasme à composer leurs personnages est palpable. Yolande Moreau est comme toujours inénarrable et Juliette Binoche est formidable en bourgeoise coincée mais c'est Noémie Lvovsky, en nonne pète-sec, qui mérite tous les superlatifs. Dommage que ces trois-là ne puissent concourir qu'aux César 2021, on leur aurait donné immédiatement un prix collectif d'interprétation féminine.

Cinephile-doux
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Au fil(m) de 2020 et Les meilleurs films de 2020

Créée

le 19 janv. 2020

Critique lue 4.3K fois

13 j'aime

Cinéphile doux

Écrit par

Critique lue 4.3K fois

13

D'autres avis sur La Bonne Épouse

La Bonne Épouse
Adagiooo
4

Pilier 1

Le film avait plein d'arguments : Juliette Binoche - Noémie Lvovsky - Yolande Moreau- Edouard Baer - Rapidement Berléand, l'évolution du rôle de la femme, la veille de 68, l'homosexualité , le refus...

le 27 juin 2020

22 j'aime

1

La Bonne Épouse
Electron
6

Les 7 piliers de la parfaite ménagère

Nous sommes en Alsace, à l’École ménagère Van Der Beck, au cours de l’année scolaire 1967-1968. Dirigée par M. et Mme Van Der Beck (François Berléand et Juliette Binoche), l’école entretient un...

le 1 mars 2020

21 j'aime

19

La Bonne Épouse
socrate
6

Devenir une bonne ménagère

Si on oublie les un peu lourdes ficelles scénaristiques qui permettent au réalisateur d’amener ses personnages où il veut, le film est plaisant, car les personnages sont incarnés par d’excellents...

le 13 juil. 2020

15 j'aime

11

Du même critique

As Bestas
Cinephile-doux
9

La Galice jusqu'à l'hallali

Et sinon, il en pense quoi, l'office de tourisme galicien de As Bestas, dont l'action se déroule dans un petit village dépeuplé où ont choisi de s'installer un couple de Français qui se sont...

le 27 mai 2022

75 j'aime

4

France
Cinephile-doux
8

Triste et célèbre

Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes...

le 25 août 2021

73 j'aime

5

The Power of the Dog
Cinephile-doux
8

Du genre masculin

Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un...

le 25 sept. 2021

70 j'aime

13