« Ça fait pas dix minutes qu’il est Juif que tu le persécutes déjà »

Entre ténèbres et clarté morale : un éclat timide de vérité

Déserteur dès l’aube du conflit, il se résout à endosser l’identité d’un Juif pour mieux s’agréger au flux des fuyards, espérant, par ce subterfuge, gagner la zone libre sous la bienveillance intéressée des passeurs.


Une noble intention sous un ciel d’ambiguïtés

Sous les dehors d’un film d’époque classique, le métrage se distingue par une volonté manifeste d’éclairer les zones d’ombre d’une France en lambeaux, où l’héroïsme ne se proclame guère et où la vertu, souvent, se dissimule sous la poussière de la peur. J’ai goûté, avec une admiration nuancée, à cette entreprise de désacralisation salutaire : le film a l’audace — trop rare — de dépouiller l’Occupation de sa gloriole, pour la montrer dans sa médiocrité humaine, son tissu de compromissions, de petites lâchetés et de silences complices. Cette ambition confère au récit une portée authentiquement humaniste.


Benoît Poelvoorde, ou la bonté incarnée

Au centre de cette fresque chagrine, Benoît Poelvoorde irradie d’une chaleur douloureuse et pudique. Son personnage, tout en failles et en remords, porte le film à bout d’âme. Il évoque, par sa tendresse maladroite et sa lumineuse mélancolie, le Roberto Benigni de La Vie est belle, cet autre poète de la dignité au cœur du chaos. Chez lui, chaque regard, chaque silence résonne comme une prière discrète, un murmure d’espérance au milieu du fracas moral. Il donne à cette comédie dramatique une humanité palpable que la mise en scène, hélas, n’exploite pas toujours à sa juste intensité.


Une œuvre lucide, mais bridée

Car si la visée est noble, l’humour demeure, à maints égards, frileux et pusillanime. Le film avance avec la retenue d’un élève trop appliqué, craignant de heurter, d’émouvoir trop fort, ou de troubler la quiétude du spectateur. Là où l’on espérait la brûlure du dilemme, ne subsiste souvent qu’une tiédeur de bons sentiments. Les fulgurances morales s’y diluent dans une prudence humoristique.


Un éclat atténué, mais sincère

La Bonne Étoile n’est point un astre éclatant, mais une lueur obstinée dans la grisaille du cinéma contemporain. Si son audace demeure bridée, sa sincérité, elle, ne vacille jamais. On y sent, derrière chaque plan, le désir de comprendre plutôt que de juger — et c’est peut-être là, malgré ses timidités, que réside sa véritable grandeur.


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