Une bande d'étudiants décide de partir dans une cabane parfaitement coupée du monde pendant les vacances. Paradisiaque de prime abord, la qualité touristique du séjour est vite revue à la baisse lorsqu'une famille de zombies s'invite elle aussi dans les environs. Et ce n'est que le début d'une longue série d'emmerdes...


Il y a des soirs comme ça où l'on se cale devant son écran en espérant un bon petit divertissement bien fendard et sans prétention, et où l'on se retrouve face à un des films les plus géniaux de ces dix dernières années...


Film d'horreur apparemment très convenu et peu marquant (c'est-à-dire si on le prend au premier degré, en fait), La Cabane dans les bois est à voir avant tout comme une pure comédie, mais une comédie satirique, une comédie qui a un vrai fond. Et quel fond !
Véritable bras d'honneur à l'industrie hollywoodienne dont elle est pourtant (évidemment) tributaire, La Cabane dans les bois est le champion de toutes les ambiguïtés. Se reposant bien évidemment sur son côté blockbuster, sorti simultanément au film de super-héros emblématique de son co-scénariste Joss Whedon, le film de Drew Goddard dresse pourtant une métaphore guère subtile mais terriblement efficace de l'industrie cinématographique, optant délibérément pour la voie du "cinéma de genre" ou "cinéma d'auteur" (appelez comme vous voulez cette catégorie de cinéma qui ne répond à aucune des deux désignations idiotes dont on l'a affublé), sans en être réellement un éminent représentant lui-même.
Et de fait, de genre, La Cabane dans les bois en est totalement dénué, à moins qu'on reconnaisse comme tel la catégorie "inclassable". Tour à tour slasher, film de zombies, comédie romantique (voire érotique le temps d'une scène), film de potes, d'horreur, d'action, thriller fantastique, parodie satirique, le film de Drew Goddard échappe à toutes les catégorisations, car elle répond à toutes.


Film-somme de l'horreur, si on peut déplorer que La Cabane dans les bois n'effraye pas (quelques jumpscares bien placés et plutôt bien gérés sont tout de même au rendez-vous), elle constitue pourtant un des plus beaux hommages qui soit à ce genre souvent dénigré ou méjugé.
Par le biais de la métaphore, donc, Drew Goddard et Joss Whedon nous offrent une savoureuse dénonciation de l'omnipotence des gros studios qui dominent tout, jusqu'à faire plier le cinéma de genre pour le forcer à obéir à sa dictature, sans échappatoire possible. Drôle et pertinente, la métaphore donne tout son sel au film en instaurant un récit à deux vitesses dont la mécanique est proprement géniale. En suivant à la fois les tortionnaires et les victimes, La Cabane dans les bois insiste donc sur le décalage des uns et des autres, dans un festival de répliques percutantes et toujours hilarantes.
Il prend toutefois le risque de rendre les tortionnaires bien plus attachants que les victimes (il faut dire que le duo Bradley Whitford/Richard Jenkins est une des plus grandes trouvailles du film), un risque que l'on tempérera toutefois en songeant que l'on prendrait Goddard et Whedon pour les derniers des imbéciles en pensant qu'ils ne l'auraient pas aperçu, et même sans doute voulu.


Et de fait, tout semble parfaitement maîtrisé, de la mise en scène, classique mais efficace, au scénario, dont les quelques failles apparentes peuvent être mises sur le compte de la parodie, sans excès de circonvolutions cérébrales. Quant aux acteurs, ils sont pour beaucoup dans l'immense réussite du film : on a déjà dit le bien qu'il fallait penser du duo Bradley Whitford/Richard Jenkins (ce dernier ne s'étant jamais montré aussi drôle et dynamique que dans ce rôle, où il se lâche à fond), mais tous les autres occupent le leur à la perfection, notamment Chris Hemsworth, dans un joli numéro d'autodérision, mais aussi une certaine actrice non créditée au générique (et sur l'identité de laquelle on gardera donc le secret pour les quelques lecteurs n'ayant pas encore vu le film et qui se seraient égarés sur ma critique), qui arrive comme la cerise sur le gâteau pour couronner un film qui érige la générosité sans retenue en devise.
L'enthousiasme visible d'un casting soigneusement choisi se communique donc d'autant plus facilement au spectateur si ce dernier a accepté le contrat de base : se laisser mener par le bout du nez par le scénario malin de Drew Goddard. Non que ce dernier multiplie les twists pour nous surprendre, mais la surprise reste bel et bien au rendez-vous tant l'originalité règne en souveraine sur un script dont l'excellence devrait être élevée au rang de modèle en école de cinéma. Et ce malgré la présence de certains poncifs, qui risquent de faire revenir le premier degré à la surface, mais n'y parvenant jamais vraiment, pour notre plus grand bonheur...


Etonnant hybride à deux têtes, La Cabane dans les bois constitue donc une surprise de taille dans un cinéma américain ankylosé par le formatage de l'horreur et des blockbusters de tout poil. En empruntant délibérément la voie d'un cinéma désuet qu'il dépoussière de main de maître tout en suivant la route du blockbuster méta, Drew Goddard signe donc un film absolument inclassable, véritable Jurassic Park de l'horreur qui se situe à cheval entre le bon gros plaisir régressif à l'américaine et le pur plaisir de cinéphile. Film éminemment complet, La Cabane dans les bois met ainsi toutes les chances de son côté afin de s'ériger en véritable petit film culte auprès des amateurs de bon cinéma, en espérant que le temps pérennise ce statut qu'il mérite amplement.

Tonto
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le 19 oct. 2020

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Tonto

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