« La Caravane de feu », troisième western de mon cycle W 2025, me permet de jouer cartes sur table dans mon saloon préféré, de commander un troisième whisky et de vérifier que j’ai bien toutes mes cartouches dans mon pistolet.
Par-dessus mon jeu de cartes truqué et entre les nuages de fumées de mon cigarillo apparaît soudain John Wayne suivi de Kirk Douglas. Trois collaborations à leur actif -« Première victoire » d’Otto Preminger, « L’ombre d’un géant » (avec aussi Yul Brynner !) et « La caravane de feu ».
A moi de vous raconter, à ma manière, ce super western, décontracté à souhait et que je classerai certainement dans mon top 20 des meilleurs westerns de tous les temps (des W que j’ai pu voir jusqu’à maintenant, du haut de mes ...36 ans !).
Synopsis : Taw Jackson, qui vient de passer plusieurs années en prison et libéré sur parole, revient dans sa ville avec la ferme intention de reprendre la propriété que Pierce lui a dépossédé car sur le terrain, un gisement d’or avait été décelé. Chaque semaine, Pierce et sa bande organisent, à l’aide d’une caravane blindée et d’une milice armée jusqu’aux dents, le dépôt de l’or dans une banque du Texas. Taw, pour se venger, organise le vol de l’une de cette cargaison. Pour mettre la main sur ce butin, il va s’allier à un tueur à gages que Pierce a déjà engagé pour tuer Taw, d’un conducteur de chariot, d’un indien et d’un ex-détenu spécialiste en explosif porté sur la bouteille.
Une petite entreprise qui va mettre la poudre au feu… et le feu aux poudres !
Le scénario de Clair Huffaker (« Les rôdeurs de la plaine », « Les comancheros » et « Chino » sont de sa plus belle plume) est plutôt astucieux et roule sur l’or.
De plus, ses dialogues sont crépitants à souhait tels « tu portes toujours une arme quand tu es en caleçon ? Eh oui ! », « le mien a touché le sol le premier, le mien était le plus grand ».
Une belle mise en bouche pour ainsi dire.
Même si le script reste basique (une attaque d’un fourgon armé jusqu’aux dents), il est diablement maîtrisé par un vétéran du genre (Huffaker) par l’enchaînement et le cadrage des situations (la plus convenue étant certainement la séquence de castagne au saloon qui n’apporte pas grand-chose au film) qui s’emballent pour terminer sur un final en apothéose (la fameuse attaque de la caravane) doublée d’une leçon de morale à faire rougir les papooses et les squaws. Bingo !
Un scénario basique certes mais qui peut se targuer d’avoir un rythme assez soutenu et d’une intrigue maintenue sous tension.
Un scénario de Clair Huffaker conventionnellement assassin. Barman, whisky !
Si l’on passe du côté des interprètes, le casting en or est dominé à mort par le duel John Wayne/Kirk Douglas qui, à l’apothéose de leur art, nous donnent une leçon de cinéma à eux tout seul. De fait, ils forment un bel anti-duo de cinéma, digne de rester dans toutes les mémoires.
John Wayne (l’acteur qu’on ne présente plus : « La piste des géants », « Rio bravo », « Le jour le plus long », « Cent dollars pour un shérif », « Brannigan »…), avec sa silhouette et son charisme évident incarne un Taw Jackson incandescent, brûlant de désir de se venger.
Face à lui, Kirk Douglas (la star à la fossette : « Le champion », « La vie passionnée de Vincent Van Gogh », « Règlement de comptes à OK Corral », « Les vikings », « Les sentiers de la gloire »…) est ce tueur à gages sans pitié et malgré tout sympathique : un rôle sur mesure et qui va droit au but. Boum !
Keenan Wynn (qui joua quatre fois pour le réalisateur Burt Kennedy -« Les trois mousquetaires », « La caravane... », « Welcome to hard times » et « Ordure de flic »-) n’est pas le personnage le plus sympathique de la bande, c’est le vieux bougon et râleur, voleur à ses heures perdues.
Howard Keel (connu pour son rôle dans « Dallas »), lui, est cet indien droit dans ses bottes et dont John Wayne ne sait s’il peut avoir confiance en lui.
Robert Walker Jr (vu dans « Easy rider », « La route de Salina »-de Lautner-, la série « Arabesque »), tout en sobriété, c’est le spécialiste des explosifs porté sur l’alcool.
Bruce Cabot (il tourna onze fois avec John Wayne !! On peut citer « Les comancheros », « Hatari », « Les bérets verts », « Chisum » et « Big Jake » parmi tant d’autres !), enfin, est l’homme qui a fait enfermer Wayne pour devenir propriétaire. Dans ce rôle tout en nuances, Bruce incarne le méchant de ce western sans pour autant en faire des tonnes. Une interprétation subtile, simple et décontractée. Elle ne vole jamais la vedette à notre duo de stars.
Avec également la belle Valora Noland (apparue dans les séries « Star trek » et « Mannix ») qui campe la jeune femme de Keenan Wynn. Une petite dose de féminité dans ce western des 60’s.
Un casting qui tient la route, convenable, édifiant. De quoi trinquer avec nos vieilles canailles Wayne et Douglas. Tchin !
Concernant la musique de Dimitri Tiomkin (récompensé pour ses partitions du « Train sifflera trois fois », du « Vieil homme et de la mer » -de John Huston-, de « Alamo » et de « La chute de l’empire romain », il signe ici son avant-dernière composition pour le cinéma !), elle vaut toutes les pépites d’or du monde même si elle ne se hisse pas comme un monument du genre.
Elle sonne agréablement bien et fait sauter tous les verrous à la nitroglycérine pour nous accompagner dans ces chevauchées bigrement mises en avant par tous les talents de Tiomkin. A la tienne, Dimitri !
La belle chanson de générique chanté par Ed Ames (membre du groupe Ames Brothers, acteur pour la série « Daniel Boon », chanteur pop qui connu son heure de gloire dans les 60’s) nous met dans l’ambiance suranné du western des 60’s mais a l’art de nous faire rentrer de plein fouet dans l’histoire. A elle-seule, cette chanson souligne l’état d’esprit de cette « Caravane de feu » en lui prodiguant nostalgie, bienveillance et liberté conventionnelle.
Longue vie à Tiomkin, Ed Ames et tous les techniciens musicaux et sonores qui ont participé à cette ‘chevauchée fantastique’. Un peu de fumée pour ces artistes… !
Si l’on passe côté mise en scène, la réalisation bénéficie des beaux paysages américains en guise de décor et de photographie.
La réalisation, qui se fait certainement ainsi enlevé, ne profite jamais de la situation et se contente d’aligner les moments de bravoures de nos deux compères (John Wayne et Kirk Douglas).
La mise en scène de l’américain Burt Kennedy se fait on ne peut plus classique, conventionnelle. Elle est relevée par l’apanage des deux stars, Wayne et Douglas. Oui !
La réalisation est pantouflarde, certes, mais qu’importe, car Kennedy reste accroché aux deux monstres sacrés. Eh oui !
Le réalisateur du « Mors aux dents » et de « Piège au grisbi » joue la nostalgie à fond pour nous procurer des moments de plaisir intense, comme ça, Burt Kennedy peut oublier sa caméra, et nous de profiter à fond de ces deux belles gueules américaines.Nous avons dit Wayne et Douglas ? Barman, whisky !
Si le réalisateur (qui a écrit le premier pitch de « 7 hommes à abattre » -de Budd Boetticher-) ne livre pas un chef d’œuvre westernien, « La caravane de feu » demeure 58 ans plus tard un uppercut gratifiant du genre car même si Kennedy ne le renouvelle pas (à cause d’un postulat scénaristique archi-conventionnel et d’un final moralisateur pour un sou !), avec cette lecture à sens unique, le réalisateur nous prouve qu’il aurait pu être un grand parmi les grands si le réalisateur (qui a aussi été scénariste « Sur la piste des Comanches » pour Gordon Douglas) avait réussi, avec davantage de virtuosité, à inscrire ce film directement dans les annales du septième art.
Il n’en est rien, Kennedy (qui a aussi été scénariste de « Chasseur blanc, cœur noir » pour Eastwood) peut quand même se targuer d’avoir réuni un duo légendaire : les deux derniers monstres sacrés de l’âge d’or d’Hollywood, en matière de western, le Duke et ‘Spartacus’.
Pour conclure, « The War Wagon »(1967), succès public à sa sortie, est un western humoristique et d’aventures convenu et un western classique dans la plus pure tradition du genre livré par ‘l’ami’ Burt Kennedy (qui s’est associé à Boetticher pour écrire sept W (!) dont « L’homme de l’Arizona », « L’aventurier du Texas » et « Comanche station ») qui en fait un western divertissant, solide et efficace, et également son film culte pour toutes ces raisons.
A noter : les débuts de Bruce Dern au cinéma. Mise à part ses deux récompenses méconnues mais qui gagnent à l’être (Ours d’Argent à la Berlinale pour « That championship season » et Prix d’interprétation cannoise pour « Nebraska »), Bruce s’est fait un nom à l’international en gravissant les échelons, de rôles de troisième zone (« Le fleuve sauvage » de Kazan, « Pas de printemps pour Marnie ») en passant seconds couteaux affûtés (« Will Penny », « Un château en enfer », « Bloody mama ») puis des premiers rôles (« Folies bourgeoises » de Chabrol, « Complot de famille », « Le retour » de Hal Ashby, « Black sunday », « Dernier recours », « Monster », « Twixt » de Coppola, et bien sûr, « Nebraska ») qui font de lui aujourd’hui, l’un des meilleurs acteurs américains que le Nouvel Hollywood ait formé. Depuis quelques années, ses dernières compositions (« Les 8 salopards », « Nevada », « Remember me »), entièrement saluées par le public ou la critique, l’atteste. Il est également le père de Laura Dern qui a jouée dans « Thelma et Louise », « Un monde parfait », « Jurassic park », « Inland empire », « The son » -de Florian Zeller-… .
Si John Wayne nous entendait, une bouteille de whisky, un indien, un saloon, un Kirk Douglas, un Burt Kennedy, un Dimitri Tiomkin (l’inventeur du « Deguëllo » au cinéma !), un Bruce (Dern et/ou Cabot), ...valent ils une ‘chevauchée fantastique’ ou une ‘caravane en feu’ très chers spectateurs ?
Les deux, à n’en pas douter !