Un Chef-d'Œuvre Glacial sur la Lutte des Classes !

​La Cérémonie est souvent considéré comme l'un des sommets de l'œuvre de ClaudeChabrol, et à juste titre. Adaptation glaçante du roman L'Analphabète de Ruth Rendell, et librement inspiré de la célèbre affaire des sœurs Papin, le film dissèque avec une précision clinique les tensions sociales et psychologiques. Il mérite amplement sa place parmi les grands films noirs français.

​Points Forts (Le 8/10)

​Le Duel d'Actrices Sublimes :

• Le film repose entièrement sur l'alchimie toxique entre Sandrine Bonnaire (Sophie, la bonne analphabète) et Isabelle Huppert (Jeanne, la postière au passé trouble). Elles sont récompensées par un double Prix d'interprétation à la Mostra de Venise, et ce n'est pas un hasard. Bonnaire incarne l'introversion refoulée et la dignité blessée, tandis qu'Huppert est une force de chaos exubérante et envieuse. Leur "folie à deux" est l'étincelle qui met le feu aux poudres.

​La Mise en Scène Incisive de Chabrol :

• Chabrol, maître dans l'art de filmer la bourgeoisie et ses secrets, excelle ici à dépeindre les Lelièvre (Jacqueline Bisset et Jean-Pierre Cassel, impeccables) sans les rendre purement détestables, mais simplement suffisants et paternalistes. Le contraste entre le luxe de leur demeure bretonne et la froideur des rapports sociaux est magistralement souligné. L'ambiance est lourde, le rythme lent, mais chaque plan contribue à l'inéluctable montée de la violence.

​L'Explosion Inéluctable :

• Le film est une mécanique d'horlogerie qui mène à une fin choquante et jouissive (selon Chabrol lui-même). Le drame final, non prémédité et d'une froideur accablante, est l'aboutissement logique de la friction des classes et des psychologies. La célèbre réplique finale renforce l'idée d'un acte construit et dérangeant, bien loin de la simple folie passagère.

​Ce Qui Le Retient du 10/10

​Une progression parfois lente :

• Pour moi, le rythme est peut-être trop posé. La première partie installe longuement le quotidien et la complicité des deux femmes, ce qui peut créer un sentiment de latence avant que la tension n'atteigne son paroxysme.

​La clarté du propos social :

• Bien que Chabrol l'ait qualifié avec ironie de "dernier film marxiste", certains critiques estiment que la dimension psychanalytique du duo Sophie/Jeanne prend le pas sur l'analyse purement sociale, rendant la "lutte des classes" plus un déclencheur psychologique qu'un moteur politique central.

​Conclusion

​La Cérémonie est un film troublant et puissant qui, au-delà de l'histoire criminelle, offre une méditation sombre sur le ressentiment social et la maladie mentale à travers le prisme de l'inégalité. Porté par des interprétations légendaires, il est un classique incontournable du cinéma français.