La douleur d’un deuil est indicible parce qu’elle relève de quelque chose de profondément intime. C’est en substance le message de la Chambre du fils, qui se révèle un film naturaliste et extrêmement pudique sur le sujet.
Dans cette famille italienne, il y a beaucoup d’amour, mais il n'est pas dit, il s’exprime plus volontiers au travers des faits et gestes du quotidien. Alors, quand l’évènement survient, tout se brise : le père Giovanni, la mère Paola et la sœur Irene vont être seuls. Ils ont perdu le même être cher, Andrea, mais vont devoir, dans leur chair, faire le deuil de la relation intime que chacun avait tissé avec lui. Leur reconstruction personnelle, et celle de leur famille, passera par beaucoup de silence, des pleurs solitaires et des moments choisis d’isolement. Petit à petit, grâce à un personnage de substitution, de transition même, la famille va intégrer l’absence du fils et se reconstruire, ensemble tant bien que mal.
Le film est aussi taiseux que ses personnages. Un comble puisque le père, à travers qui l’histoire est racontée, est psychanalyste. La mort de son fils le conduit à perdre la foi dans la vertu de la verbalisation : la parole devient manifestement totalement impuissante pour exprimer la douleur. Et Giovanni devient incapable d’écouter ses patients comme il l’est d'entendre sa femme parler de l’évènement. Plus que par les mots, c'est par les sensations qu'il cherche à vivre sa peine : le fracas que produit les manèges à sensation, l’émotion d’une phrase musicale qu’il se passe en boucle....
Le scénario tait beaucoup de choses mais en dit encore plus à travers les silences, les situations, les symboles et les non-dits. On pleure aussi pas mal (malgré une musique pénible, en dehors du rôle titre).
La Chambre du fils est un film extrêmement poignant, et quelle qualité d'écriture ! Celle du point de bascule du film, qui laisse le spectateur pressentir que la vie va vaciller; celle des patients reçus en consultation par Giovanni tout au long du film et dont le discours porte toujours un double sens ; la symbolique du souffle, des bruits, des repas...et puis cette Chambre qui occupe le rôle titre mais qui n'est finalement pas un sujet, et dans laquelle on pénétrera peu au cours du film. Pourrait-elle symboliser la part recluse de notre mémoire dans laquelle nous gardons les souvenirs de l'être aimé?
Dans tous les cas, la Chambre du fils est pour moi une grande découverte, plus de 20 ans après sa palme d’or. Il était plus que tant.

kvaldah
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le 31 janv. 2022

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