Le film de Vinterberg s'ouvre par une scène de chasse qui n'est pas sans rappeler celle de Voyage au bout de l'enfer (The Deer Hunter) de Michael Cimino qui, quant à elle, intervient plus tard. Ces deux scènes préfigurent chacune à leur manière les destins des personnages principaux - Lucas ici (Mads Mikkelsen excellent) ici, Michaël là (De Niro) : ces deux chasseurs qui se retrouveront bientôt chassés.
A la fin du film de Cimino, Michael, suite à l'épisode traumatisant de son emprisonnement, perd confiance dans la communauté des hommes autant qu'en lui-même. A l'image du cerf qu'il traquait, il devient une sorte d'animal sauvage.
Mais à la différence du personnage de Voyage au bout de l'Enfer, qui souffre autant de culpabilité que du traumatisme subi, Lucas s'accroche à son innocence et cherche à conserver un minimum de dignité coute que coute (l'épisode du supermarché).
Les deux films proposent deux conclusions en miroir :
Là où Michaël (De Niro) tente de revivre son expérience de chasseur sans parvenir à chasser ses démons intérieurs, Lucas (Mikkelsen), quant à lui, se retrouve dans le viseur d'une carabine au moment même où il semblait être sorti de l’enfer.


Reste enfin dans la Chasse un point obscur, suggéré seulement par Vinterberg et que l'on peut formuler en une question : l'innocence de Lucas n'aurait-elle pas ceci d'insupportable pour certains qu'elle suggèrerait de regarder ailleurs pour trouver un coipable ? En effet, la scène où Klara "balance" Lucas est criante de vérité et le trouble de la directrice ne parait pas exagéré en de telles circonstances. Mais ne vaut-il pas mieux pour certains que Lucas soit le seul accusé ? Quelques plans fugaces, une parole lâchée par la gamine- "c'est les autres"-, pourrait en effet laisser entendre que le ou les vrais coupables serai(en)t tapis au cœur même de la famille (notamment ces plans insistants sur un ado visiblement mal dans sa peau, le propre frère de Klara). Mais face à une vérité aussi cruelle, le père de Klara lui préfèrerait, dans cette hypothèse, un double aveuglement : ne pas voir les agissements de son fils et croire en la culpabilité de son meilleur ami au risque de le priver de son fils à lui.
Une lutte à mort entre deux pères magnifiquement résumée par cet intense échange de regards aux trois-quarts du film.


Personnages/interprétation : 9/10
Histoire/scénario : 7/10
Mise en scène/réalisation : 8/10


8/10

Theloma
8
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le 12 mai 2016

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Theloma

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