Seul face à lui-même
Kirill Serebrennikov ouvre La Disparition de Josef Mengele comme un film noir : imper sombre, clair-obscur, notes de jazz feutrées. Le noir et blanc installe d’emblée une ambiance troublante car...
il y a 9 heures
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Je n'ai pas lu le roman d’Olivier Guez adapté à l'écran par Kirill Serebrennikov et je ne savais qu'assez peu de choses de Josef Mengele et de ses forfaits, sinon que c'était un médecin ayant commis des atrocités au camp d'Auschwitz-Birkenau, qu'il avait fui en Amérique du Sud à la fin de la Seconde Guerre mondiale et avait ensuite réussi à échapper à toutes les recherches. Je connaissais néanmoins par ouï-dire son épouvantable réputation. Je m'attendais donc à un film sombre, dur et éprouvant. Il l'est. Et au bout des 136 minutes, on sort groggy de la projection. C'est fort, c'est intense, c'est à la limite du supportable. Le noir et blanc des images, le jeu d'August Diehl, formidable dans son incarnation de Mengele, la bande son créent très vite un climat de tension extrême qui, jusqu'à la fin, ne baissera quasiment pas d'intensité, même si celle-ci prend des aspects différents au fil des séquences. Ce qui m'a semblé terrible, traumatisant, c'est que Mengele est un homme apparemment bien sous tous rapports, appartenant à la très bonne bourgeoisie bavaroise, parfaitement éduqué, universitaire distingué ayant obtenu deux doctorats. C'est un type qui a une certaine classe ou prestance, qui est marié (puis divorcé et remarié) et père de famille (il a un fils Rolf, qui cherchera à comprendre, devenu adulte, qui est vraiment son père et si les lourdes accusations portées contre lui sont fondées). Et pourtant, à mi-parcours de l'opus, un long flashback couleur, difficilement supportable, nous le montre, durant la guerre en 1943-44, adonné à des tâches avilissantes, criminelles, monstrueuses. Mais lui, une ou deux décennies plus tard, en Argentine, au Paraguay, au Brésil, se scandalise et enrage d'être traqué et honni, et que les victimes rescapées de ses pratiques puissent le surnommer "l'ange de la mort" (car lorsqu'il s'occupait d'un prisonnier, à Auschwitz, c'était pour celui-ci sa mort annoncée). Et jusqu'à la fin de sa vie, ce docteur irascible et méprisant a continué de penser et d'affirmer, plein de conviction, qu'il n'avait fait que son devoir de médecin militaire, que la science médicale autorise des "expérimentations", et qu'en temps de guerre, on a le devoir d'éliminer un maximum d'ennemis.
Que certains puisse juger ce film de mauvais goût, car présentant des images révoltantes, peut-être complaisantes, on peut le comprendre. Pour ma part, je le considère quand même comme utile et instructif. Mengele était un être de raison et d'intelligence (sans quoi il n'aurait pas échappé pendant tant d'années à la justice des hommes), et pourtant il a commis, quasiment avec le sourire, les actes les plus monstrueux au nom d'une idéologie délirante. Même si ça choque, il faut le dire, le montrer, le rappeler, le dénoncer. Pour que ça ne se reproduise plus jamais.
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il y a 9 heures
5 j'aime
Le cinéaste russe Kirill Serebrennikov adapte librement le roman d''Olivier Guez "La disparition de Josef Mengele" (surnommé l'ange de la mort médecin SS expérimental dans le camp d'Auschwitz) de...
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le 23 mai 2025
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C'est le genre de film qu'en principe je n'aime pas mais il se trouve que j'ai aimé. J'aurais même pu lui mettre 8/10 si je n'avais pas eu peur d'inciter des personnes, qui eux ne vont pas l'aimer, à...
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