Dans "La famille Bélier", Eric Lartigau nous raconte l'histoire de Paula (16 ans).Elle vit à la campagne et partage son quotidien entre le travail à la ferme et l’école. Pour avoir une chance de côtoyer le beau garçon de ses rêves, elle s’inscrit à la chorale de l’école avec sa meilleure amie. Elle y découvre sa voix, et rêve de réussir le concours d’entrée pour la maîtrise de Radio France. Tout ceci serait bel et bon, si ses parents n’étaient pas sourds, et si cela n’impliquait pas de quitter la grange familiale pour Paris.

Le point de départ est pourtant assez original : on parle très peu de surdité au cinéma, et encore moins dans un cadre familial. Qu’est-ce que ça fait d’être sourd et d’élever un enfant qui parle, et même chante ? A l’inverse, comment vit-on avec cette famille différente quand on est un adolescent qui a envie d’être comme les autres ?

A cela s’ajoute le fait que tout cela se passe dans un contexte de ruralité confrontée à un tournant : les parents de l’héroïne sont agriculteurs, et son père en particulier, se présentent aux élections municipales pour y défendre les fermiers face à la volonté d’urbanisation incarnée par le maire sortant.

Surdité contre parole, adolescence contre parents, campagne contre ville, voilà du carburant pour une bonne histoire.

Dès les premières minutes, on comprend pourtant que l’unique but recherché est l’efficacité, et que cela passe par une liste très précise de tous les clichés liés au genre de « l’outsider qui réussit contre toute attente ». Ainsi, l’héroïne voit son talent se développer dans l’environnement le plus improbable, mais va mûrir grâce à la rencontre avec un mentor, et, après avoir subi des échecs décourageants, finira par triompher.

La question de la surdité n’est jamais vraiment posée et n’est que le prétexte à une histoire de réussite malgré la différence. Cela aurait pu être une championne de course issue d’une famille de paralytiques, une peintre issue d’une famille d’aveugles, le scénario n’en aurait pas fondamentalement changé.

Maintenant, si l’on sait dès la première minute que l’on ne sera jamais surpris par le film, et que l’on restera tout du long dans une approche superficielle, on peut tout de même s’attendre à éprouver le plaisir lié aux mécaniques bien huilées, aux dialogues savoureux portés par de bons acteurs, à la petite touche d’émotion qui nous prend en traître.

Mais, hélas, tout est grossier et fade dans cette famille Bélier. Au delà d’une mise en scène strictement fonctionnelle, et d’un jeu d’acteur pas toujours bien juste, on est choqué par la lourdeur constante du propos. Si le principe de base, à savoir une jeune femme qui se distingue de parents sourds-muets en chantant, ne vous choque pas, sachez que l’on a en plus :

- Une famille de paysans têtus dont le patronyme est Bélier

- Une histoire d’amour qui se construit autour de la répétition d’une chanson romantique en duo. Pour être sûr que vous compreniez bien, le professeur de chant les fait chanter en dansant le slow, pour qu’ils se sentent plus à l’aise.

- Enfin, une déclaration d’indépendance qui s’effectue via une chanson sur un adolescent qui quitte ses parents.

A côté de cette charpente plus qu’apparente, La famille Bélier a peu à apporter, et ne semble même pas avoir envie de jouer son programme jusqu’au bout. Si l’on ne s’ennuie pas trop, le film n’exploite aucune de ses thématiques jusqu’au bout : ni celle de la famille, ni celle de l’apprentissage, ni celle de la comédie romantique, semblant au final être le plan détaillé d’un meilleur film.

Pour autant, le film rencontre un public, celui des "Chtis", celui des "Intouchables" et remplit les salles. Il s'appuie sur le "prêt à regarder", "prêt à penser" et les mêmes mécanismes ce clichés lourds.

Que penser au final de cette famille Bélier ? Plus qu’un mauvais film, le mot qui le qualifie le mieux est insignifiant. Pas très drôle, pas marquant, pas émouvant, pas beau, le film est médiocre en tous points.
fujixguru
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le 1 janv. 2015

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