Natalie, laisse-moi être l'écorce de ton bois.

Cette critique sera courte, car les mots me manquent pour exprimer ce que je viens de voir. Je sentais ceci dit la nécessité absolue de rendre un hommage à ce merveilleux drame (romance, même, n'ayons pas peur des mots, idylle passionnelle) réalisé par Elia Kazan. Et surtout, surtout, à cette incroyable, somptueuse, extraordinaire Natalie Wood, dont je reste un fidèle amoureux. Laisse-moi être ton Bud.


Natalie Wood, le rayonnement sulfureux d'Ava Gardner transpire de tous les pores de ton visage. Tu partages le charme masculin de Greta Garbo, la naïveté immaculée de Gene Tierney, la force tranquille de Olivia de Havilland, le tempérament volcanique de Lauren Bacall. Bien sûr, je pourrais te parler de ton élégance côtoyant celle d'Audrey Hepburn, de tes délicieux atouts semblables à ceux de Marilyn Monroe, de ton aura capricieuse comme Jane Fonda. Tu es une merveille, et dans La Fièvre dans le sang, telle Olivia dans La Fosse aux serpents ou L'Héritière, tu te relèves toujours de tes malheurs et ils te rendent plus forte. Tu joues cette Deanie avec toute la folie qui lui incombe, avec détermination, courage et volupté, laissant tantôt paraître une puissance inébranlable, tantôt une passion brûlante, dévorante et meurtrière. Tu grandis avec un tel éclat. Bien sûr, il te fallait un bel Apollon comme Warren Beatty, si parfait, trop parfait, en dehors, mais si indécis à l'intérieur. Une gueule d'ange tourmentée par sa loyauté. Et toi, dans l'attente, la fièvre dans le sang, et, finalement, le point de non-retour.


Elia Kazan utilise les ressorts de la crise de 1929 pour transposer ces difficultés au sein de deux familles, dont les desseins sont diamétralement opposés, comme l'avait fait avec plus de légèreté Capra dans Vous ne l'emporterez pas avec vous en 1938. Mais ici, il ne s'agit pas tant de dépeindre des frictions familiales, mais bel et bien de montrer l'amour dans son plus simple appareil, beau au sens noble, intense, saisissant, enivrant, et profondément attaché au présent. Car si les personnages de Kazan se perdent dans des échelles de plans agrandies, à travers un environnement étouffant, un cadrage qui rend les héros hors de portée ou une fatalité tenace, c'est pour mieux mettre en scène cette passion fougueuse, presque adolescente, qui tord le cœur au détriment de la raison, et qui nous prive de tout, pour ne nous laisser rien si ce n'est l'autre. On y parle souvent de perdre sa virginité, et je crois que par ce biais, ce film raconte l'histoire de deux jeunes amoureux qui vont perdre, ensemble, une partie de leur insouciance.


C'est acquérir le réel, l'émancipation dans sa globalité, c'est laisser ses rêves de côté, un peu. Et avancer.

EvyNadler

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