Pygmalion & Placenta : "La fille du 14 juillet" par Rawi & Fritz_The_Cat

Mettons d'emblée les choses au point : le premier long métrage d’Antonin Peretjatko n'est pas une "simple" comédie. C'est un film comique qui montre que l'on peut faire rire sans passer par la case de l'humour lourdingue, lisse et formaté qui envahit bien trop souvent nos écrans. Ici, le burlesque se mêle de social et emploie la carte du comique visuel, chacun de ces aspects nourrissant l'autre avec un naturel confondant.

Ceci étant précisé, nous pouvons commencer à parler de cette oeuvre hors du temps. Sans les repères vidéo lors de l'introduction avec MM les présidents, nous pourrions très bien nous trouver dans les 70's. Mais ce souci de repérage temporel est vite balayé par l'énergie d'un film qui raconte n'importe quoi, n'importe comment ! Ou, plus précisément, un film dont la liberté de ton fait jeu égal avec celle de ses pistes narratives. Car, et c'est tout sauf un défaut, l'intrigue n'est pas l'atout primordial du film. Ses dialogues, régulièrement brillants, ont pourtant tendance à ne pas courir pas après les lauriers verbaux d'un Woody Allen.
Il n'empêche que La Fille du 14 Juillet fait montre d'un soin évident dans le fond et dans la forme, à tel point que mêmes ses réparties les plus mémorables n'empiètent jamais sur son sens de l'absurde. Confiant envers son public, le long-métrage bâtit une scène après l'autre un drôle de road-movie à l'esprit soixante-huitard savoureux. Rafraîchissant, drôle, malin et inventif, La Fille du 14 Juillet souffre bien d'une une baisse de rythme dans son dernier acte, mais rien qui n'entame son énorme capital sympathie.

Ce qu'il nous donne à voir, c'est un film de vacances, une épopée sabbatique en mode mineur truffée d'idées surprenantes. Le pitch en lui-même est d'ailleurs au diapason : un employé de musée rencontre une statue grecque qui lui tape imédiatement dans l'oeil. La jeune-fille, qui vient de finir ses études, veut partir avec une amie avant d'affronter la vie active. Bien vite, le courant passe et les trois décident de tailler la route ensemble.
Les personnages, Hector, Truquette, Pator et Charlotte tentent d'échapper à leurs mornes vies parisiennes pour enfin s'épanouir sous le soleil du Sud de la France. Un cliché ? Sans doute, mais mis au service d'un script qui s'emploie justement à y insuffler un vrai vent de folie. De fait, s'il fuit la morosité ambiante, le trio entraîne le spectateur sans avoir à forcer sa sympathie.

Au cours d'un récit très bref (88mn, générique compris), nous accompagnons les vacanciers dans un périple rempli de digressions poétiques et de rencontres imprévues. Mention spéciale au Dr Placenta, un érudit désopilant dont le comportement évoque un mix entre une rêverie surréaliste et une saynète de Bill Plymton. Le genre de personnage en or massif qui aurait mérité un film à lui tout seul.
Mais si l'originalité donne le la du traitement, le film évite de taper dans la surenchère facile, y compris quand il s'autorise une poignée de running gag. Les interprètes, Vincent Macaigne et Vimala Pons en tête, sont en phase avec leurs personnages, c'est à dire décalés et pleins de charme. On arrive à s'attacher à eux et la tendresse que l'on éprouve pour le couple Hector/Truquette n'est jamais feinte.

La fille du 14 juillet est un hymne à la liberté, un film qui donne envie d'aimer. Une bouffée d'air pur qui, en s'autorisant mille et une fantaisies et autant d'effets comiques ahuris, offre au cinéma français actuel ce qui lui manque cruellement : un univers. En espérant que son créateur aille très vite y refaire un tour, car moins de 90 min de joie aussi intense, c'est bien trop peu !

Rawi & Fritz_The_Cat
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