La nouvelle œuvre de Guillermo del Toro confirme, si certains en avaient encore le doute, que l’intéressé est profondément cinéphile : les références au cinéma sont nombreuses dans la Forme de l’Eau. Le personnage d’Elisa (Sally Hawkins), jeune ingénue muette et solitaire, vit au-dessus d’un cinéma. Ce n’est pas un détail : largement inspiré de l’Étrange créature du lac noir et des films fantastiques des années 50 et 60, le film de del Toro lorgne aussi allègrement vers le cinéma de Jean-Pierre Jeunet. Pour preuve : Elisa Esposito semble être une lointaine cousine d’Amélie Poulain, les décors rétro (magnifiques au demeurant) et la photographie qui sature sur les couleurs froides, la musique d’Alexandre Desplats peu avare en rengaine d’accordéon… Cela faisait peut-être beaucoup pour le réalisateur français qui a même accusé le Mexicain de plagiat de l’une des scènes de Delicatessen (1991).


La Forme de l’Eau, au-delà de sa romance freak-friendly, est surtout un film sur les laissés pour compte et la différence. Et il le fait savoir avec un manque de subtilité criant tant les personnages sont des archétypes (l’handicapée, qui a pour seul ami son voisin homosexuel et sa collègue afro-américaine). Regrettable tant ce duo entre la jeune employée et cette créature qui s’apprivoise, se séduit et finalement se lie est beau, original, enjoué.


Mais passé la séduction de cette love story de l’étrange et de l’esthétique séduisante de la fable fantastique de Guillermo del Toro, l’intrigue peine à intéresser et les péripéties s’avèrent assez convenues. La romance de la créature et d’Elisa est mise à mal par un militaire froid et consciencieux, interprété par un Michael Shannon en très petite forme dans ce rôle sans nuances.
Pour autant, la violence et la froideur présente dans ce film où la sexualité est étonnamment présente dans un film aussi grand public montre que la vision et l’audace de Guillermo del Toro est toujours aussi à contre-courant, et finalement salutaire, dans le cinéma hollywoodien.

Adao
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le 27 févr. 2018

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