Ouah regarde toutes ces nominations aux oscars, et puis Del Toro en plus, ça doit être de la bombe ! Résultat : un gâchis de potentiel et de talent. Une déambulation de deux heures comme si le film n’osait jamais se lancer.


On lui reconnaîtra ses points forts. Il s'en dégage une atmosphère particulière parfois naïve dans certaines scènes, cela donne une identité au film qui peut rappeler Amélie Poulain. Une sublime photo et la beauté des passages aquatiques. D'excellents décors et costumes qui aide l’aide à se forger une identité visuelle assez forte. Une BO sympa. De très bonnes performances de la part de Richard Jenkins et Sally Hawkins. En moindres mesures Michael Shannon, qui récupère les meilleurs dialogues du film. Maintenant ce qui cloche avec celui-ci, en particulier son thème.


Le thème du film tourne autour de l'acceptation de l'autre et de la discrimination de ceux différents. Nos personnages principaux ont tous une particularité les mettant à l'écart de leur monde : muette, homosexuel, noire, écailleux …


La force du fantastique est en partie de pouvoir aborder ces problèmes sociaux de manière détournée et plus subtile. Ici la relation entre Elisa et le bipède aquatique englobe les relations amoureuses tabous, et même au-delà elle devient le symbole de l'acceptation d'autrui. Il ne s'agit plus de juger ce qui est différent d'un point de vue ethnocentriste (Strickland pense que l'homme-saumon est inférieur aux humains alors qu'en Amérique de Sud celui-ci était vénérée comme une divinité et possède des pouvoirs de guérison surhumains) mais pour ce qu'il est (Elisa le met sur un pied d'égalité car elle observe qu'il répond au langage, à la musique …). Cependant cette toile de fond est entachée par des allusions trop évidentes aux problèmes que le film souhaite aborder, en partie pour s'assurer une place aux oscars. Ici disparait la subtilité du fantastique pour un message peu fin, surement destiné à séduire un public plus large.
Del Toro oppose le passé strict et intolérant à un futur (vert) enchanteur et accueillant comme les bras d'un homme-thon ou la banquette d'une Cadillac Coupe de Ville. Ce passé est bien sur représenté par le personnage de Strickland, raciste violent qui s'empresse d'électrocuter ce qui n'est pas américain. Il tente sans cesse de rattraper et de faire souffrir ceux qui dévient de la norme. En effet s'il laisse échapper l'homme-carpe celui-ci est « finit, effacé ». Ainsi le passé à peur de qui ne lui ressemble pas, car il représente sa fin.


Et puis quand notre petit couple parvient enfin à s'échapper, Strickland gît sur le sol. Encore du mal à savoir si Del Toro entendait par là une note d'espoir, le futur terrassant le passé ? Bof.


Les passages les plus poétiques sont donc ceux baignées d'une lumière turquoise, échappatoire au monde intolérant pour nos protagonistes.


Il s'agit de l'histoire de ceux nés trop tôt qui, face à l'impossibilité de se faire accepter de leur époque, tente de la fuir. En réalité il est impossible d'échapper totalement au présent et de fuir vers l'avenir comme le font métaphoriquement nos deux amoureux. Sans tenter de changer le monde, Del Toro semble nous dire de sauter dans le futur et de ne pas en sortir la tête. De par son impossibilité d'expliquer et de convaincre le monde que son partenaire vaut un humain (deux jambes et un pénis, le compte est bon), Elisa tente d'y échapper tout le long du film : dans sa salle de bain puis dans les docks.


On notera la scène dans laquelle Elisa remplie la salle de bain d'eau. Cet acte sensé lui permettre de se soustraire au monde, dégouline littéralement sur le cinéma du rez de chaussée faisant fuir les spectateurs.
Peut être Del toro nous montre que le désir de changement et d'evasion vient se refléter dans l'art, surtout le cinéma, de son époque et ce au détriment d'un certains consensus. Amusant pour un film qui se détache de son réalisateur en voulant plaire au plus grand nombre.


Mais ce n'est pas en restant ainsi dans son coin qu'on fait bouger les choses. Le message est alors plus tragique, il était impossible pour ceux nés avant leur temps de se faire accepter dans le présent car dénués de voix. Malheureusement ce message tragique est écarté en échange d'un happy end pour ce qui se veut un conte de fée pour adulte.


Egalement une seconde moitié plus lente du film qui perd de sa tension. J'ai trouvé que la relation principale un peu trop rapide, il manque des scènes pour asseoir sa crédibilité. En fin de compte il manque des scènes au film en général, ça sent le studio apprenti charcutier tout ça. C’est dire pour un film que je trouve pourtant trop long.
Shape of Water trace un parallèle avec Le Labyrinthe de Pan de par le parcours semblable de l’héroïne durant le film. Cette comparaison tend à nous rappeler l’infériorité du film par rapport à son prédécesseur. Que ce soit dans les thèmes, la manière dont ils sont traités ou tout simplement le plaisir du visionnage.

Captive_Mind
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le 25 févr. 2018

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