Une série B nanardesque au lieu d’une fresque épique…

Une histoire prenant place en Asie, avec au menu batailles épiques, guerriers en armure et créatures fantastiques. Le tout principalement mené par des studios hollywoodiens, fiers de sortir un tel projet avec une très grande célébrité en tête d’affiche. Cela ne vous rappelle rien ? Remontez quatre ans en arrière et vous vous souviendrez de 47 Ronin. Une œuvre charcutée par les producteurs qui avaient pour le coup démoli les ambitions du cinéaste (Carl Rinsch) car n’étant pas suffisamment lucratives à leurs yeux, au point de rajouter au casting – et en tant que personnage principal – un Keanu Reeves tout aussi inutile qu’un ordinateur sans écran. Avec La Grande Muraille, les mêmes craintes se ressentaient rapidement, surtout avec le fait d’avoir une histoire chinoise en pleine période médiévale, avec Matt Damon en héros. Mais avoir quelqu’un de la trempe de Zhang Yimou (Hero, Le secret des poignards volants, La cité interdite…) pour diriger le projet pouvait rassurer un minimum sur le résultat final. Peine perdue…


Pour les moins difficiles, La Grande Muraille peut être un divertissement tout à fait honorable. Et pour cause, le film se montre plutôt généreux en matière de séquences explosives, de moments de bravoure, de panoramas agréables pour la rétine (en matière de décors naturels) et d’effets spéciaux à gogo. D’autant plus que d’un point de vue technique, le long-métrage utilise son budget pour le moins conséquent (soit 135 millions de dollars) pour tout ce qui est accessoires et costumes. Tout ce qu’il faut pour faire de cette aventure un spectacle efficace. Durant les premières minutes, c’est ce que va également croire le spectateur le plus averti, surtout face à cette première bataille qui se révèle être une récréation amusante – notamment avec ses pirouettes et monstres tombant au combat –… jusqu’à ce que la véritable nature du film lui saute aux yeux.


Alors que Zhang Yimou avait toutes les cartes en mains pour livrer au public une fresque épique haute en couleurs comme il sait si bien les faire, le réalisateur chinois est venu se perdre dans la machinerie hollywoodienne en se contentant d’une série B à gros budget. Oui, La Grande Muraille n’est ni plus ni moins qu’un blockbuster de seconde zone qui aurait très bien pu sortir directement dans les bacs, à l’instar d’Outlander : Le dernier Viking. Et pour cause, le film cumule les facilités et défauts à tel point que le statut d’œuvre nanardesque n’est vraiment pas loin. Si le cinéaste parvient le temps de quelques plans à imposer sa présence par des mouvements de caméra qui lui sont propres et un panel de couleurs plutôt alléchants (même si, question armures, cela peut faire penser aux Power Rangers), il s’est littéralement englué dans un système commercial qui le dépasse, s’adonnant pour le coup aux pires vices qu’un long-métrage puisse subir.


Beaucoup de scénaristes pour finalement pas grand-chose… Juste une ribambelle de personnages archétypaux au possible, s’adonnant à de piètres enjeux histoire de croiser le fer avec des monstres sortis tout droit du jeu vidéo Starcraft. Avec sa durée rachitique de 107 minutes, La Grande Muraille fait fi de toute humanité, tout travail d’écriture, pour apparaître au public comme un insipide bousin durant lequel la débauche visuelle (effets spéciaux et effets 3D gratuits) et les compositions excessivement tonitruantes de Ramin Djawadi (Game of Thrones, Pacific Rim et Warcraft) risquent de vous donner des maux de tête. Même si, d’entrée de jeu, le long-métrage annonçait son parti pris de narrer une légende et non une histoire vraie afin de justifier le côté « fantastique », cela ne lui permettait pas pour autant de plonger avec grossièreté dans la bêtise la plus totale !


Un constat des plus navrants qui se trouve renforcé par ce que l’on redoutait le plus avec ce projet, à savoir l’américanisation du film. Si le personnage joué par Matt Damon a plus de raisons d’être là que Keanu Reeves dans 47 Ronin, il reste cependant tout aussi dispensable. Et concernant ses compagnons (Pedro Pascal et Willem Dafoe), ce n’est guère mieux ! Ils pourraient être supprimés de l’intrigue que cela n’y changerait rien. Ils sont juste là pour meubler l’histoire. Pour apporter une touche d’humour à la limite du lourdingue. Tout simplement pour attirer le public occidental, qui découvrira par la même occasion une vision peu flatteuse des Chinois. S’ils ont également les héros, la plupart d’entre eux sont représentés tels des bouffons (mention spéciale au jeune empereur). Un peuple certes organisé et à cheval sur le règlement, mais parlant étrangement le latin/l’anglais et la plupart se conduisant comme de gros benêts qui applaudissent à la moindre action des têtes d’affiche (tuer un monstre, faire tenir un bol en l’air avec des flèches…). Pathétique !


Alors que le public était en droit d’attendre en ce début de l’année 2017 une fresque épique, il se retrouve face à une série B abrutissante. Un amoncellement invraisemblable de clichés et autres idioties que l’on aurait préféré découvrir à la télévision plutôt que sur grand écran. Un blockbuster loupé de bout en bout, qui risque fort d’être un flop au box-office, pour ne pas dire un échec commercial cuisant. Peut-être qu’avec une telle déchéance, les studios hollywoodiens arrêteront de faire n’importe quoi et tenteront d’aborder des projets semblables avec plus de sérieux et d’intérêt. Car honnêtement, même avec son histoire de monstres sanguinaires, La Grande Muraille méritait sur le papier bien plus que ce nanar fort coûteux.


Critique sur Cineseries --> https://www.cineseries-mag.fr/la-grande-muraille-un-film-de-zhang-yimou-critique-85755/

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