J'entame avec « The Wild Bunch » une série de visionnage de films réalisés par Sam Peckinpah, « l'enfant terrible d'Hollywood ». Ne connaissant de lui que cette réputation, j'avais hâte de voir de quoi il en retournait.
Un western, donc. S'il y a bien une chose que j'apprécie dans ce genre cinématographique, ce sont ses « gueules ». Il est tellement rafraîchissant de voir ces faces ravagés par le soleil et ces dentitions dévastées ! « The Wild Bunch » ne fait pas exception, la tête des acteurs et/ou leur maquillage apportent énormément à l'ambiance sale et poussiéreuse du film.
Il est courant dans le cinéma hollywoodien de prendre pour protagonistes principaux des « anti-héros ». La figure du bandit est en effet un grand classique, et le public éprouve pour lui une sorte de fascination pour celui qui vit librement, détachée des chaînes institutionnelles. Le titre de cette critique, « La bande à Pike », fait ainsi référence à Baader ou encore à Bonnot, dont les bandes de criminels jouissaient d'une certaine popularité. Souvent, toutefois, il existe un parti-pris très moralisateur de la part du réalisateur, la fascination ne se transformant jamais véritablement en empathie : Tony Montana est charismatique mais sa violence est explicitement condamnée par le film.
Peckinpah, de son côté, se montre beaucoup plus « amoral » dans sa façon de traiter ses personnages et son refus du manichéisme. Les « hors-la-loi » sont perçus avec une certaine mélancolie, ils demeurent violents, égoïstes et fondamentalement mauvais. La fin du film et leur mort à tous peut ainsi se voir comme une forme de « happy end » (à l'image de « Scarface », toujours). Mais c'est oublier que « The Wild Bunch » n'épargne pas pour autant le « bon côté de la loi » : les représentants autoproclamés de la loi, ce sont le propriétaire d'une compagnie publique de chemins de fer protégeant ses intérêts financiers et les bandits qu'il a engagé comme chasseurs de prime. Le film regorge de citations incendiaires sur les institutions, notamment à travers le personnage de Thornton, ex-taulard forcé de s'allier au gouvernement. La loi se retrouve décrite comme un artefact qui sépare artificiellement et arbitrairement les « gentils » des « méchants ».
Les quinze premières minutes, magnifiques, sont particulièrement saisissantes. Nous est introduite la bande de criminels que nous suivrons durant 2h30. Après avoir pris son temps pour installer l'atmosphère pesante de la scène, Peckinpah déploie soudain une violence extrême et aveugle : de nombreux civils reçoivent des balles perdues (pour citer Renaud, « pas perdues pour tout le monde »), une femme se fait piétiner par un cheval, les fusillades se font sous le regard d'enfants pétrifiés, etc. C'est brut, cru et particulièrement chaotique.
Au début et à la fin de ce passage, on voit des enfants jouer cruellement en faisant s'affronter des scorpions et des fourmis, riant de leur supplice et terminant leur œuvre en les faisant brûler. Nous est aussi montrée une bande de gamins « jouant des revolvers » en imitant le massacre qui vient juste de se dérouler. C'est un superbe doigt d'honneur que Peckinpah nous adresse en refusant d'épargner ces enfants, déjà destinés à reproduire la barbarie de leurs aînés. Délicieusement dérangeant.