Nous crions suffisamment dans ces colonnes l’insuffisance crasse du cinéma, notamment américain, en matière d’intrigue, de réalisme, en clair, de chair et de muscles pour des projets le plus souvent squelettiques, pour signaler une pépite bien taillée quand on en trouve une. Cette pépite, c’est La Isla Minima, le polar glauque de l’été.


Il y a d’abord le pitch, True Detective en diable : deux flics que tout oppose enquêtent sur une affaire sordide de disparition dans le sud de l’Espagne ; nous sommes à la fin du franquisme ; l’un est vieux et a forcément servi Franco, l’autre est jeune et rêve de faire le ménage façon Dewaere.


Il y a ensuite l’intrigue, classique mais efficace : deux jeunes filles à la réputation facile ont disparu, on imagine le pire.


Et puis enfin le contexte, le delta du Guadalquivir, au sud de Séville, formidablement filmé dès le générique. Un monde selon la pluie sec ou boueux, parfaite métaphore des remugles internes qui agitent ses habitants.


Cette histoire, ce sujet, ces personnages, on les a vus cent fois. Et comme toujours, le génie d’un film ne peut résider que dans le vrai travail cinématographique, qui ne consiste pas à trouver ce sujet, mais bien à le mettre en scène.


C’est donc dans les personnages, leurs enjeux, et leur traduction cinématographique (montage, cadrage) que La Isla Minima triomphe, et son metteur en scène avec, Alberto Rodríguez. Il est parfait à la manœuvre. Il s’attache à utiliser l’intelligence du spectateur et la met à son service. Il ne mâche pas le travail, et laisse le cerveau combler les trous. Ainsi, la fin du film reste floue, laissant le spectateur finir le puzzle, et évitant ainsi une fastidieuse explication en détail.


Entre-temps, Rodríguez aura livré quelques scènes mémorables, nous aura fait trembler et ému, et aura impressionné notre rétine d’une série d’images que l’on est pas prêts d’oublier.


Que demander de plus ?
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le 29 oct. 2015

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