Une histoire d’amour sur papier froissé technicolor qui balaye le cœur, le caresse, le transperce et le lie à tout jamais.


Déplier le papier jauni, un peu suranné, pour laisser passer les couleurs de l’arc-en-ciel comme une explosion de saveurs caramel-vanille-chocolat. Et là, les papilles, les pupilles, les babines, en relief presque tactiles. Un baiser sur l’âme comme un onguent.


*Cette barba-à-papa avec toi. Et tes yeux qui pétillent quand je te taquine avec ton rêve. Tu l’ouvriras ce club de jazz. Je le sais plus que toi. Tu le fantasmes alors que déjà je le réalise. Je l’ai même baptisé d’un nom qui ne te plait pas. Pourtant c’est le tien : Seb’s. Toi tu préfères cet intitulé à base de poulet juste parce que c’est un vers de ton jazzman favori … Je trouve ça moche. Et puis je veux que tu sois au centre. Le roi, c’est toi. Le sucre, c’est moi. Tu le picores dans mon cou à chaque crise d’hypo-Mia.


Pourtant, ça n’avait pas vraiment bien commencé entre nous. Ou peut-être que si. N’est-ce pas comme cela que commence toutes les histoires d’amour véritable ? On se croise, on se manque, on ne se voit pas, on se déteste, on se provoque, on s’insulte parfois, l’autre est tellement bête, ou ridicule, ou mal poli, ou arrogant, ou aveugle. C’est donc déjà l’amour, avant qu’on ne se l’avoue. Peut-être même dès la première fois. Tu étais derrière mois dans ce bouchon habituel sur la rocade est… j’ai oublié d’avancer, happée par mon téléphone portable. Tu m’as dépassée en faisant de grands gestes de remontrance alors je t’ai pris de haut, comme si le fou, c’était toi, et je t’ai adressé mon plus beau doigt. Oui, tout avait bien commencé entre nous. Et lorsque je t’ai recroisé dans cette boite à tapas où la samba règne en maître, c’était pour t’entendre jouer un morceau de jazz incroyablement exécuté au piano. Un anachronisme captivant, d’autant que je déteste le jazz. Enfin, je le détestais, parce que depuis toi... J’étais électrisée. Comme aimantée. Tu étais si beau, si envouté, si passionné. Je devais te le dire. La beauté doit se dire, parce que c’est la Vérité. Toi, tu venais de te faire virer. Mange-t-on des tapas en écoutant du jazz ? Jamais ! Quelle aberration ! Enfin, c’est ce qu’a pensé le patron de ce bouge. Tu étais si fauché. Tu es sorti sans me voir. Pire, tu m’as violemment percutée. Tu ne t’es pas retourné. Pas excusé.


Alors, lorsque je t’ai revu à cette fête, tu étais « clavier » dans un groupe d’animation vraiment très bidon. Et l’accoutrement style YMCA… Je n’ai pas pu résister. C’était du pain-béni. Et je me suis bien moquée en te faisant jouer un affreux morceau pour ado pré pubères.


Voilà comment ça à commencer entre nous.


Moi, je voulais être comédienne. Je n’étais pas mieux lotie que toi. J’avais depuis six ans enchainé tellement de castings, sans succès. J’étais serveuse. Moi aussi j’avais un rêve.


Peut-on s’aimer quand on court chacun après un rêve si personnel ? Si vital. Enfin, je veux dire, peut-être ne peut-on que s’aimer quand on est aussi perdu l’un que l’autre. Deux cœurs à la dérive font-ils un cœur fort, valeureux et gagnant ? Nous en en étions au même point. Mais pour combien de temps ?


Je dansais si bien dans tes bras. Je t’ai aimé très vite. Je t’aimerai toute ma vie. Je ne te mentirai jamais sur celui que tu es, sur le chemin que tu prends. Et si tu te perds à nouveau, je serai là. Et toi seras tu-là ?*


Voilà le postulat de départ de cette romance qui croustille sous la dent comme les bonbons acidulés de l’enfance. Comme un berlingot, une pomme d’amour.


Une boule de bonheur subtile et onirique. Une sorte d’antidépresseur à effets secondaires notoires : le chant fait du bien à l’âme, l’amour guérit le cœur, la danse libère le corps, les émotions nourrissent la vie, - les cartes postales de Doisneau embellissent le monde -, les bons sentiments soulagent les douleurs latentes, la réussite réconforte l’Homme. Il est temps de vivre. De vivre un rêve, son rêve.
Damian Chazelle nous dit, vis ta vie, vis ton rêve, aime et aime encore. Laisse toi emporter par tes sentiments, par tes intuitions, crois en toi et n’aie pas peur de tes émotions, quel qu’elles soient. Vraies ou fausses. Elles sont. Et le rêve c’est aussi la réalité. Pas de rêve sans réel, nous le comprendrons à la fin. Et c’est très bien ainsi. Un hommage au cinéma de Jacques Demy dit-il, entend-on partout. Il y a. Sans lunettes roses. Comme quelque chose qui frappe et percute en douceur, un jaillissement fulgurant de joie dans la poitrine. Une poitrine ouverte qui laisse enfin crier l’Existence, de cette forme presque palpable, que l’on garde en soi longtemps après le retentissement des dernières notes. Le parfum de l’être aimé. La marque Chazelle est déposée.

Charlizze
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le 2 févr. 2017

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