En allant le voir j'avais peur de tomber sur un énième film français mou du genoux, délivrant sa morale de dessin animé pour enfant au terme d'une heure trente de vide.
Pourtant j'ai été agréablement surpris, car la loi du marché n'est pas un film superficiel, mais une véritable charge engagée contre un système âprement critiqué.
On se retrouve effectivement avec certains codes du documentaires: plans longs, musique absente, et volonté de capturer une réalité sans superflue de mise en scène. Le résultat est assez convaincant, puisque cette façon épurée de filmer montre à quel point la violence et la brutalité peut s'installer pour n'importe quel individu dans ce système néo-libéral.
Car la critique de ce système fait finalement tout le cœur du film. Critique du marché du travail, qui pousse les individus à se vendre, les infantilise, les domine de toute part et les oblige à intégrer cette violence symbolique. Critique du rapport salarié/patronat, mise en évidence du croisement entre volonté individuelle et intérêt de l'entreprise, description de la pression structurelle qui pèse sur les classes populaires. Critique aussi du sens du travail, le film posant en filigrane la question du rapport entre le travail productiviste, "salarisé", et le travail en tant que conception plus globale de production de sens.
Des critiques que des auteurs tels que Frédéric Lordon ou Dominique Méda ne renieraient pas.
Alors certes le film ne fait pas foi de vérité, il ne prétend pas dénoncer l'apocalypse organisée sur terre et opposer bêtement classe ouvrière/bourgeoisie ou intérêt du peuple/capitalisme.
Mais il met un point d'honneur à non seulement montrer l'envers d'un décor, décrire une réalité concrète, palpable, et à dénoncer des effets de système, une politique implacable que peu, à part dans le milieu intellectuel, osent remettre en cause.
Une rareté donc, qu'il est à mon sens nécessaire de voir pour au moins apprécier une véritable lecture différente de notre société.