Deuxième passage derrière la caméra pour Kinuyo Tanaka qui, sur ce coup, est assez impersonnel. Enfin impersonnel, oui et non. Oui, par rapport à Kinuyo Tanaka. Non, par rapport au scénariste du film, un certain Yasujiro Ozu. À vrai dire, c'est même le réalisateur de Voyage à Tokyo qui aurait dû le mettre en scène, mais divers aléas de production ont fait que le bébé a finalement été confié à Tanaka (merci Wikipédia !).


Oui, l'ensemble transpire la patte Ozu. Certes, Tanaka se permet une bien plus grande diversité d'échelles de plan ainsi qu'un plus grand nombre de mouvements d'appareil (du moins à partir de la période pendant laquelle l'œuvre est sortie !), mais le ton et l'atmosphère ne détonent nullement d'un Ozu habituel. On retrouve même les suites de légers inserts bien caractéristiques de ce metteur en scène pour poser l'environnement dans lequel vivent les personnages. Et il y a aussi la rencontre de la même difficulté du spectateur d'Ozu que je suis mettant environ une demi-heure à comprendre pleinement qui est qui (ça fait partie de son charme !).


Pour résumer en une seule phrase ce que j'ai essayé de dire jusqu'ici, La Lune s'est levée est un film d'Ozu réalisé par Tanaka.


Si on s'attend à une personnalité affirmée de la réalisatrice, il y a un poil de déception, mais attention, si on va au-delà de cet aspect des choses, l'ensemble dans sa globalité est plus que plaisant. En effet, un film dans le style d'Ozu ne peut qu'être très bon.


Bon, alors, c'est l'histoire de trois sœurs qui, sans trop spoiler, sont amenées à se confronter à des problèmes sentimentaux. Mais qu'elles vont se créer elles-mêmes parce que personne dans leur entourage a pour objectif de les empêcher d'être heureuses (au contraire !). Surtout pas leur padre (Chishū Ryū, le fidèle des fidèles d'Ozu !) qui se tient discrètement en retrait, zen et bienveillant, donnant juste un petit coup de pouce à un moment donné (sans trop spoiler là aussi !).


Ouais, pas besoin d'obstacles de gros malade, de situations spectaculaires pour intéresser du début jusqu'à la fin. La merveilleuse simplicité est plus que suffisante pour faire du bon boulot à ce niveau-là.


Mais vous savez ce qui est encore mieux que tout ce que je viens d'énumérer de qualités dans ce film ? Mie Kitahara.


Dans le rôle de la benjamine, elle est d'une énergie, d'une fraîcheur, d'un pétillant incroyables. Tout ceci en plus d'être une caresse pour les yeux. Et ses cheveux longs en liberté, quand elle court pieds nus, sa manière occidentale de s'habiller lui allant à ravir. Elle est aussi délicieuse quand elle est drôle que quand elle est tristoune. Quel tourbillon savoureux. Non, je ne suis pas amoureux.


Kinuyo Tanaka se cherche encore. Yasujiro Ozu est une personnalité très forte à l'ombre de laquelle on ne peut que rester, tout en étant un appui sûr pour livrer quelque chose méritant incontestablement d'être regardé et d'être apprécié. Et Mie Kitahara... ❤❤❤

Plume231
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le 22 avr. 2022

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