Trois bandits, menés par Glenn Griffin (Bogart), débarquent dans la maison d'une gentille famille américaine, en fin de matinée, quand il ne reste plus que la mère. Ils capturent les autres membres au fur et à mesure qu'ils rentrent. Le chef veut au départ attendre simplement un paquet de fric que doit lui livrer sa compagne, mais celle-ci doit l'envoyer par la poste. La séquestration se prolonge, et la police est sur les dents.
Ce film fait pas mal penser, dans son point de départ, à "Key Largo", mais ce n'est pas un huis-clos complet. Pour éviter d'eveiller les soupçons, Griffin laisse le chef de famille, Daniel, aller à son travail. Ce dernier doit donc sauver les apparences en sachant que sa femme, son fils restent otages. Idem pour la grande soeur, qui continue à voir son flirt, mais se montre froide. On a donc droit à de très beaux plans de rues de banlieue américaine, de bureaux uptown où travaille le père, mais aussi de diner room à côté d'une station essence (la mort du plus jeune malfrat).
Le film insiste sur le côté calme et conformiste, "decent" comme disent les Anglais, de la banlieue, par opposition aux mines débraillées et à la résolution farouche des malfrats. Le gamin fait du scoutisme, du football américain et des maquettes d'avion. Toutefois le film insiste davantage sur la pression psychologique que sur le réalisme des lieux. Malgré le soin apporté aux décors, ce n'est pas un film vériste, mais un bon thriller, qui dans les scènes d'affrontement psychologique fait parfois penser à du théâtre filmé, avec des répliques choc. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de scènes d'action : le camion renversé et le meurtre du livreur, ou encore la mort du jeune malfrat, avec ce plan superposant des jambes qui se tordent et un camion fonçant vers la caméra : c'est bien vu, mais ce n'est pas le centre du film. Les protagonistes n'ont rien de surhommes, mais leurs actions sont très photogéniques. On sent l'influence des débuts de la télé.
Le rythme est bon. On saisit bien l'angoisse du père, après l'échec de sa tentative de libération : Daniel, robuste quinquagénaire des fifties, ne s'occupe plus que de la survie de sa famille, sans considérations pour la morale. C'est un homme acculé. Par contraste, Griffin ne sera presque jamais vu autrement qu'enfermé dans cette maison bourgeoise, dont il ne sortira que pour mourir. Un fauve en cage, aux soutiens douteux : rôle taillé pour Boggie.
Alors, pourquoi pas plus ? Peut-être parce que le message social n'est pas si net que ça. Le film ne va guère plus loin que "mettez-vous dans la peau d'une famille dont la maison est réquisitionnée par des truands". D'autant que le truand jeune semble développer une mauvaise conscience, et la volonté de revenir du côté de la decency. Le thriller est très bon, mais le propos aurait peut-être gagné à prendre un peu plus d'ampleur.