Il ne faut pas avoir peur de La maman et la putain, film culte du cinéma français, lequel n'en compte pas tellement à son actif, en définitive. Ne pas craindre ses 220 minutes qui s'avalent sans effort ou presque, en dépit du jeu déclamatoire de Léaud, qui participe de ce personnage de dandy a priori égocentré, oisif et pédant. Le film parle des sentiments amoureux, thème universel, dans une époque précise, post-soixante-huitarde, où la liberté de jouir sans entraves semble avoir atteint ses limites philosophiques, morales et ... pratiques. La maman et la putain est une œuvre intimiste monstrueuse, agaçante par ses partis pris, son côté on ne peut plus parisien (des Deux magots au Flore) et ses références multiples (Proust, Murnau, Bresson ...) mais en même temps si fascinante par sa densité et ses vibrations épidermiques. Le film s'adresserait alors plutôt à un admirateur du cinéma de Jean-Luc Godard qu'à celui de John Ford ? Ce n'est pas obligatoire parce que sa perception est de l'ordre du sensoriel et peu importe que l'on soit ébaubi par l'abondance de dialogues qui sont d'ailleurs parfois des monologues, visiblement écrits à la virgule près par Jean Eustache, cet artiste maudit, suicidé à 42 ans. Il y a de la crudité dans les mots de La maman et la putain, surtout dans les dernières scènes où la parole de Françoise Lebrun, formidable soit dit en passant, prend le pouvoir sur celle de Léaud, mais il y aussi de l'humour, y compris dans des scènes dramatiques, et pas tant de provocation que cela, nettement moins en tous cas que dans le contemporain La grande bouffe. Et puis, comment ne pas louer, une fois encore, le talent de la merveilleuse Bernadette Lafont ?