avr 2011:

Je ne connais pas le roman d'où est tirée cette histoire et je ne sais trop que penser de ce film. Je suis très perplexe. On commence le film avec deux amants qui se font des papouilles à base d'éjaculation faciale de mimosa et des promesses d'amour éternel avec un ton d'une solennité assez ridicule.

Par conséquent, dès l'abord je me cabre sur ce style de mise en scène. Borowczyk est un cinéaste particulier pour qui je nourris une espèce d'estime mêlée de méfiance tout de même, à cause sans doute d'un style parfois très ampoulé, excessivement démonstratif, un peu crâneur si vous voulez.

Mais petit à petit, il imprime à son film un rythme propre intrigant, installe une atmosphère "bohème", la peinture d'un univers à la fois poétique et très charnel, une sorte de poésie physique où la saleté accompagne la pureté dans un cheminement pas toujours très finaud. Mais le manque de nuance et de subtilité ne gâte pas le film. Au contraire, il en ressort paradoxalement grandi, avec une personnalité et un équilibre d'une délicatesse extrême.

Pourtant le propos ne l'est pas, il s'agit d'une tragédie, celle d'un homme qui s'échoue. Éloigné de sa femme et son beau-fils, il apprend leur mort et tente d'oublier, en vain, son désespoir dans le sexe d'une belle pute, laquelle finit par s'éprendre de lui.

Quelques scènes baroques en parallèle à d'autres beaucoup plus épurées ne font pas basculer le film dans le grotesque mais me tarabustent un peu quand même. Je n'aime pas trop ce parti pris.

Et puis, je me laisse bercé par cette lente agonie où les sens du héros à la recherche de vie, d'aveuglement de plaisir ne suffisent plus. Plongeon.

La rêverie ne prend pas pour autant l'allure du cauchemar, ce n'est que vers la fin, dans ce long trajet nocturne, sur ces routes mal éclairées, que le visage de Joe Dallesandro se marque de tourments flagrants. L'acteur se révèle plus fortiche que je ne le pensais. Il est vrai que je n'avais de lui que les souvenirs de ses prestations dans la trilogie de Morrissey ("Flesh", "Trash", "Heat") où ses rôles étaient à peu près identiques. Souvent, on le réduit à une description de beau gosse. Je crois qu'il serait injuste de s'en tenir à cela.

D'ailleurs on pourrait tout à fait tenir le même langage à l'égard de Sylvia Kristel. Ils jouent tous les deux très bien. Je ne crois pas que Borowczyk les ait choisi uniquement pour leur beauté bien que son film soit résolument tourné vers le genre érotique comme ses fréquents plans de foufoune, de bistouquette et de coïts l'attestent. Non, ils jouent très bien. J'aime beaucoup comment Kristel joue l'effroi qui la submerge lorsque son mac la brutalise : la petite fille ressurgit dans une fraction de seconde, c'est bizarrement une très jolie scène.

Un film imparfait mais dont quelques atouts ne sont pas négligeables et qui peut émouvoir par bien des aspects. Je regrette juste la distance que la mise en scène du cinéaste installe et qui condamne le film à une sorte d'isolement qui empêche le spectateur d'être totalement en empathie.
Alligator
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le 17 avr. 2013

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