La mauvaise éducation est présentée comme le film le plus personnel d’Almodovar, et l’affiche un peu terne par rapport à ses habitude vient enfoncer le clou.
De fait, on pourrait croire qu’on va se retrouver avec un produit très différent de ce dont notre espagnol préféré nous donne l’habitude. Ce serait oublier à qui on a affaire.


Ce film est à l’image des autres oeuvres de Pédro: un petit bijoux aussi charmant que dérangeant, malsain et fascinant, au scénario tarabiscoté mais jamais au point de nous abandonner.
L’originalité vient surtout de cette histoire d’enfants victimes d’un prêtre pédophile, et surtout de l’absence de femme.
Almodovar qui les met pourtant si bien en valeur a choisi de les oublier pour faire un film au casting presque exclusivement masculin. Ca n’empêche pas de voir de beaux battements de cils, et une féminité exacerbée, mais elle passe toujours par des hommes.
Plus que jamais l’ambiguité sexuelle est mise en avant: presque tous les personnages cherchent à se définir à travers l’autre, en en étant dépendant ou le manipulant.
D’amour il n’en est que peu question, ou alors toujours à sens unique, l’un s’attache pendant que l’autre trinque ou profite.
Le film joue de la même façon avec nous: nous entrainant sur une histoire pour découvrir peu à peu d’autres alternatives, élargir le sujet, bifurquer, effacer ce qu’on croyait connaitre, et tout de même finir par nous donner les clés de l’intrigue.


C’est aussi pour ça qu’on aime Almodovar: même si on craint qu’il en fasse trop, on a l’assurance de ne pas voir un film banal, on sait qu’à un moment il va venir nous assener un retournement de situation dont il a le secret.


Ici l’histoire est originale mais elle ne serait pas si forte si elle n’était portée par l’excellent Gaël Garcia Bernal. J’ai lu que le tournage avait été difficile et l’acteur capricieux.
Quand on est beau et doué comme lui, on peut se permettre d’être exigeant. C’est un peu comme ça que son personnage fonctionne d’ailleurs.
C’est lui qui illumine tout le film de sa félinité, c’est en lui que convergent toutes les ambiguités et les interrogations, c’est lui qui possède les réponses, c’est lui qui est le film.
Sans oublier l’acteur qui joue Ignacio enfant qui est lui aussi captivant, les deux se répondant parfaitement. On comprend parfaitement à quel point ils troublent leur entourage.


Les autres acteurs sont également bons, mais ces deux là sont vraiment sensationnels, et superbement mis en valeur par un Pédro qui sait renforcer le charme de ses acteurs.


Un beau film, pas mon meilleur Almodovar mais en bonne position.

iori
8
Écrit par

Créée

le 2 oct. 2015

Critique lue 581 fois

2 j'aime

iori

Écrit par

Critique lue 581 fois

2

D'autres avis sur La Mauvaise Éducation

La Mauvaise Éducation
Voracinéphile
7

Critique de La Mauvaise Éducation par Voracinéphile

L’aura de film choc de La mauvais Education n’a pas faiblie depuis sa sortie en salles (2005). Mais ce choc n’est pas vraiment volontaire, le film contenant les ingrédients « classiques » du cinéma...

le 2 déc. 2013

16 j'aime

5

La Mauvaise Éducation
Pembroke
8

"We don't need no education"

La mauvaise éducation. Le titre est déjà négatif. Avec Almodovar il faut s'attendre à tout et l'on sait déjà que ça va être torturé et sinueux. Qu'on le veuille ou pas on aime cela. On aime voir nos...

le 27 avr. 2016

9 j'aime

2

La Mauvaise Éducation
EricDebarnot
6

L'émotion glacée

Savamment construit - comme si Almodóvar essayait d'épuiser littéralement en un film tous les outils narratifs -, magnifiquement monté (une brillante fluidité qui produit rapidement un effet...

le 21 juil. 2016

8 j'aime

Du même critique

Adults in the Room
iori
8

La dette qui avait trop de Grèce (ou l’inverse)

Voici un film qui illustre parfaitement une certaine idée du cinéma, celle qui permet à des orfèvres de s’emparer de sujets politiques difficiles, abscons et d’en donner une interprétation qui permet...

Par

le 24 oct. 2019

31 j'aime

Jalouse
iori
7

Le cas-Viard

Comme quoi c’est possible de faire une comédie qui force le trait sans tomber dans la danyboonite aigüe (une maladie de la même famille que la kev'adamsite ou la franckdubosquite). Karine Viard...

Par

le 14 sept. 2017

27 j'aime

9

Les Cowboys
iori
8

Kelly watch the stars

François Damiens dans un film qui s’intitule “les cowboys”, où il incarne un père de famille fan de country dans les années 90. Voilà une base qui donne envie. Envie de fuir bien loin. Sauf que ça se...

Par

le 18 nov. 2015

24 j'aime

7