Seules les bêtes m'ayant fortement déçu, je me suis montré immédiatement sceptique lorsque les premières critiques de La Nuit du 12, pour une bonne partie dithyrambique, furent publiées. J'avais trouvé le premier assez lourd et pas bien subtil… c'est malheureusement le cas aussi du film dont il est question ici, bien que cela reste moins prononcé ceci dit. Disons que La Nuit du 12 est très clair sur certaines de ses intentions, sur le fait que tous les suspects (tous des hommes) pourraient être coupables, mais s'entêtent à nous le répéter, à marteler son propos, histoire d'être sûr que même les deux du fond, qui se sont endormis durant la moitié de la séance, aient compris le message. Ça donne l'amer impression que Moll ne croit pas à sa propre réalisation, à son exploitation du cadre. À croire que si sa caméra est posée la plupart du temps, c'est parce qu'il aurait peur de faire n'importe quoi avec.
La Nuit du 12 nous fait suivre durant ses deux premiers tiers un duo de flic, Yohan et Marceau, incarnés respectivement par Bastien Bouillon et Bouli Lanners. Malheureusement, c'est un peu le jour et la nuit tant le belge écrase le français, impose sa présence et son jeu face à lui. Le souci, c'est qu'en étant assez peu caractérisé, plat (il y a bien cette allégorie avec le vélo, m'enfin, pas très subtil encore une fois), le personnage incarné par Bastien Bouillon ne dégage rien, ne semble pas avoir sa place ici. Je ne sais pas si cela vient, du moins en partie, de la direction d'acteur ou de lui (dans le doute, disons les deux), reste que même du côté des autres acteurs plus secondaires, il y a à redire. Mention spéciale à la grand-mère du deuxième suspect qui paraît jouer avec 5 secondes de lag.
Il y a tout de même cette volonté de montrer l'intérieur de la PJ, avec toute la lourdeur derrière les procédures et autres PVs, de filmer le réel quoi. On s'éloigne du côté « enquêteurs-super-héros-fascistes » qu'on peut retrouver parfois dans ce genre de production, avec des protagonistes qui n'obéissent à aucune règle et qui trouveront forcément le coupable à la fin. En cela, j'ai apprécié le fait d'assumer dès le départ que l'enquête n'était pas résolu, sans pour autant que le film sombre dans une bad ending un peu bête.
Au passage, très sympa de la part de Moll de filmer dans les alentours de Grenoble… m'enfin bon, pour une fois qu'un crime n'a pas eu lieu dans le Chicago français, un peu dommage de lui en imputer un de plus.
M'étonnerait pas que La Nuit du 12 plaise davantage aux générations précédentes, tout du moins à ceux qui ont été élevés dans la culture du « si elle est s'est fait violer c'est qu'elle l'a bien cherchée, elle n'avait pas qu'à s'habiller comme ça » et autres énormités qui accusent les femmes même quand elles sont victimes. Ce genre de justification ne faisant plus trop mouche auprès des personnes de ma génération, et des plus jeunes généralement, force est de constater qu'une partie du propos du long n'a pas eu l'effet escompté sur moi. Ça reste un film acceptable ceci dit, bien que sa réputation ait été un poil usurpée.