Après avoir joué dans une cinquantaine de films, le monstre sacré Charles Laughton décide de passer derrière la caméra en adaptant le roman "La Nuit du Chasseur" de Davis Grubb. Adoptant un style très académique, jouant constamment avec les jeux d'ombres et de lumières et les montées en pression de la musique, Laughton livre pour son premier et unique film un chef-d'œuvre intemporel puissant et inoubliable, source de frissons encore aujourd'hui efficients...
Tournée dans un noir et blanc éclatant, cette histoire raconte celle d'un serial killer déguisé en prêcheur qui va rapidement s'immiscer dans la vie d'une veuve et ses deux enfants afin de faire avouer à ces derniers où se cache le magot que leur père, qu'il a connu en prison, se trouve. Considéré comme un homme de foi délivré de tout soupçon, il va pourtant être confronté au silence des enfants, plus tenaces qu'il n'imaginait. Interprété par le toujours aussi imposant Robert Mitchum, le révérend arrive à susciter dès les premières minutes une antipathie gargantuesque contrastant avec ses bonnes manières et son sourire omniprésent.
Par ailleurs, c'est tout le film qui joue sur un constant contraste. Le révérend est gentil le jour, méchant la nuit. Il porte deux tatouages sur les phalanges ("Amour" et "Haine"). La confrontation oppose l'innocence des enfants à l'incrédulité des adultes... Et c'est dans cette optique quasi-fantastique que Laughton va nous livrer cette œuvre fabuleuse, touchante et terrifiante, principalement présentée du point de vue des enfants (brillamment interprétés par les jeunes Billy Chapin et Sally Jane Bruce), aux décors exploités avec intelligence et à la terrifiante musique de Walter Schumann.
On frissonne sans cesse devant l'impassibilité des adultes et le courage du jeune John, considéré comme un menteur ou au pire un affabulateur, qui tente pourtant durement de prévenir le monde de la cruauté de son nouveau beau-père. Allégorie de la jeunesse incomprise, thriller glaçant et film d'aventures épique (la fuite finale est un grand moment d'adrénaline), La Nuit du Chasseur est un monument du 7e Art, une leçon de cinéma, un gage de qualité que tout bon cinéphile doit avoir vu pour parfaire sa culture, qu'elle soit mince ou étendue.