Un film admirable, loin d'être statique, bavard et ennuyeux comme son origine théâtrale pourrait le laisser croire, loin d'être un prosélytisme chrétien et moralisateur bien qu'il s'agisse incontestablement de l'œuvre d'un croyant sincère.


C'est bien la force des convictions de son réalisateur en même temps que son génie de la mise en scène qui donne une réelle puissance à Ordet. C'est un film qui parle de la foi et du doute et qui l'illustre en même temps, à travers deux familles et leur patriarche, deux conceptions du protestantisme : l'une prônant une religion de la vie qui ne se complait pas dans l'austérité et l'autre au contraire puritaine et austère prônant le plus strict respect des écritures.


Même si la famille au centre du film est celle qui pratique la première proposition, Dreyer n'en condamne ni n'en favorise aucune des deux, son message est plutôt porté par le personnage Johannes, théologien qui après une crise mystique est devenu fou (du moins le croit-on) et se prend pour Jesus Christ.


Alors que tous disent que les miracles ne sont plus possibles dans le monde d'aujourd'hui, que Dieu ne va pas aller contre les lois de la nature, ses propres lois, lui au contraire prône une foi indéfectible dans la possibilité d'un miracle et dans la puissance et la bonté de Dieu et c'est une enfant innocente la seule à partager avec lui cette croyance qui lui permettra d'accomplir le miracle finale.
C'est aussi un grand film sur l'amour, ce miracle final étant autant celui de la résurrection que celui de la formation d'un nouveau couple, des retrouvailles d'un autre et de la réconciliation de deux conceptions de la religion.


Dit ainsi cela peut sembler très naïf et pourtant c'est beau, je ne suis pas chrétien et pourtant le film m'a touché profondément, peut être grâce à l'extraordinaire réalisation de Dreyer : tout est dans les cadrages qui composent de véritables tableaux, les lumières qui éclairent ou laissent dans l'ombre les visages, toute cette rigueur contribue probablement à la très grande beauté de ce film qui ne tombe jamais dans le pathos ou dans le mélodrame malgré son intrigue qui aurait pu facilement l'y invité.

Chlorophylle
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le 7 janv. 2016

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Chlorophylle

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