"Alors c'est un film d'époque, qui raconte une histoire d'amour entre deux cuisiniers dans un château." On est d'accord, si t'as moins de 65 ans ça fait pas rêver, un pitch comme ça. Et pourtant...
Je vais être clair, ce n'est pas le chef-d’œuvre que les critiques vantent, mais c'est une excellente surprise. Tout le cœur du dispositif repose sur une contemplation, la photographie magnifique pour mettre en avant les plats, et sur l'idée que les personnages communiquent par la nourriture. Le personnage de Juliette Binoche l'explicitera d'ailleurs, en disant à ses convives que si elle n'a pas été à table avec eux, elle communiquait avec eux à travers les plats. Il s'agit là d'un film où la nourriture est si importante qu'elle a bénéficié d'une "direction culinaire", et par Pierre Gagnaire, s'il vous plaît. Et si l'on vous dit que le film a un rendu publicitaire, ne soyez pas dupe : dans les pub, tout est faux, chaque gros plan appétissant est fait de colle et de carton (et d'images de synthèses), et rien de ce que vous y voyez n'est réellement comestible. Dans Dodin Bouffant, c'est de la vraie bouffe, tout le long. Donc la photographie léché et alléchante doit rendre aussi appétissant qu'une publicité de vrais aliments, avec leurs imperfections, leur tendance à se flétrir ou s'oxyder, et le conjuguer avec le temps long et irrégulier d'un tournage, pour rendre compte au final dans le montage du temps long mais continu d'une recette, du découpage, à la cuisson, et jusqu'au repas.
Je reviens maintenant sur ma seconde idée, celle que les personnages communiquent par la nourriture : cet élément est très important, parce qu'il n'apparaitra peut être pas de manière évidente à tout le monde, et que sans cette idée, on pourrait penser qu'il ne se passe pas grand chose, d'un point de vue de l'intrigue. D'abord, le film est narrativement élaboré, alternant souvent les scènes de cuisines et de repas, induisant un lien entre les deux, une communication, un dialogue, et presque une connexion spirituelle, et ensuite, tout cela est au service de la romance du film. Tout l'état psychologique de ce Dodin Bouffant passera par les plats qu'il cuisine, à qui il les cuisine, et avec qui il les cuisine. Et si l'on suit cette histoire, qui ne dit pas son nom, on se rend compte que le film raconte bien plus de choses que ce que les personnages en disent.
Mention spéciale à Bonnie Chagneau-Ravoire, qui joue une enfant surdouée en gastronomie, est qui est fascinante. Elle arrive, comme les autres acteur/ices (voire même mieux) à transmettre toutes ses émotions dans très peu de mot, et beaucoup de regards. Une performance admirable, non seulement pour une enfant mais pour une actrice tout court, parce qu'arriver à voler la vedette à Binoche ou Magimel à seulement 12 ans...
Pour le reste, la partie plus classique de l'intrigue est plus faible, puisque dès qu'il n'y a ni nourriture, ni personnage qui en parle à l'écran, on se rappelle qu'on se trouve dans un drame costumé, aux phrases ampoulés et aux dialogues qui sonnent faux. Heureusement, ça n'arrive pas beaucoup.